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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 10:49

ahmadinejad.jpgLes dernières tensions irano-occidentales (assassinats ciblés de chercheurs iraniens par les service israéliens, embargo européen, australien et japonais sur les importations de pétrole, doublement du nombre des porte-avions étatsuniens au large de l'Iran, appels de John Bolton de l'Institut de l'entreprise américaine pour la recherche sur les politiques publiques néoconservateur en faveur de frappres préventives) n'ont pas des effets déstabilisateurs seulement au Proche-Orient. Elles contribuent aussi à la militarisation du Caucase (frontière nord de l'Iran).

 

Le chef d'Etat major russe Nicolaï Makarov (grand spécialiste de la modernisation de l'appareil de défense russe qui avait souligné récemment les risques d'une doctrine russe trop centrée sur le nucléaire) a annoncé le 18 janvier dernier (dans une Russie où les manifestations contre les résultats des élection législatives se sont progressivement épuisées) que les exercices militaires qui ont lieu tous les ans dans le Sud de la Russie (strategic command-and-staff exercise) vont cette année prendre ne ampleur particulière mobilisant conjointement tout l'appareil de sécurité russe, civil et militaire, et auront lieu non seulement en Russie mais aussi en Abkhazie, en Ossétie du Sud et en Arménie. Comme le précise le politologue Sergueï Konovalov"les propos du général sont appuyés par des actions concrètes. Des sources officielles du district militaire du sud signalent l'arrivée, dans les unités stationnées dans le Caucase du Nord, d'environ deux dizaines de véhicules de commandement et d'état-major modernisés (ils sont présents dans la direction de chaque bataillon d'infanterie motorisée ou de tanks), qui à titre de système de localisation et de reconnaissance utilisent le système GLONASS (GPS russe). Ce système équipe d’ailleurs tous les nouveaux hélicoptères et avions de combat (leur parc dans la région sud est renouvelé à presque 100%), qui assurent le renseignement dans la zone de responsabilité, ainsi que les systèmes d'artillerie et de DCA. Les troupes se sont elles aussi vu fournir un nouveau système de contrôle automatisé des forces de défense antiaérienne Barnaoul-T. Ce système contrôle déjà l'espace aérien non seulement de la Russie, mais aussi au-dessus de l'ensemble du Caucase du Sud. Ceci est important, car la 102e base militaire russe, stationnée en Arménie, est séparée du groupe principal de la région sud."


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Les officiels russes ne cachent pas que ce déploiement de force s'inscrit en partie en prévision de scénarios d'attaque de l'Iran pour protéger les intérêts russes dans la région. Il s'agit notamment de prendre en compte le fait qu'en cas d'attaque contre l'Iran, l'Azerbaïdjan pourrait être mobilisé comme base pour l'armée américaine  (puisque la Turquie refuse de jouer ce rôle), et faire l'objet à ce titre de représailles de Téhéran (sur la capacité de représailles de l'Iran en cas de guerre voir notamment Strategic Culture Foundation).

 

Ces manoeuvres russes sont programmées parallèlement  à un vaste plan de reprise en main politique du Caucase par Moscou, plan qui s'inscrit dans le projet plus vaste de Vladimir Poutine d'Union eurasiatique (et qui s'accompagne aussi d'un volet financier, la Russie cherchant à remettre de l'ordre dans ses aides à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud comme elle l'a fait en Transnistrie). Un des aspects intéressants de la politique russe envers le Caucase pourrait d'ailleurs se porter sur l'accueil des Circassiens de Syrie qui ont saisi M. Medvedev d'une demande de rapatriement au Caucase nord (mais qui laisse Moscou dubitatif à cause des problèmes de coexistence religieuse).

 

georgie.pngMais l'annonce des manoeuvres militaires a été immédiatement interprétée par Tbilissi comme une menace contre la Géorgie (qui elle même a organisé des opérations militaires d'entraînement conjoint avec les Etats-Unis en 2011). Les relations avec la Géorgie ont déjà été passablement aggravées ces derniers mois par le projet de Saakachvili de ruiner économiquement le port de Soukhoumi et par la possible implication de Tbilissi dans le projet de bouclier antimissile américain. La Turquie a déjà mis en fonction vers mi-janvier au service de l'OTAN un radar d'alerte qui inquiète Moscou. La Russie aujourd'hui menace d'installer des missiles Iskander tournés vers le Caucase pour dissuader la Géorgie de continuer à s'armer auprès des Etats-Unis et d'Israël. D. Medvedev avait fait de même sur sa frontière occidentale en annoncé l'installation de ces mêmes missiles à Kaliningrad en réplique à l'installation du bouclier de l'OTAN en République tchèque. Les précautions de Moscou ne sont pas un luxe en ce moment. Hier l'ex-président géorgien Chevardnadze dans Gruzyia Online a explicitement accusé Mikheil Saakachvili d'être prêt à pousser à une guerre contre l'Iran pour garder son siège présidentiel, tout comme il avait provoqué la guerre contre la Russie en août 2008. Déjà le président géorgien a accepté la construction d'hôpitaux militaires sur son sol directement destinés à soigner les blessés après le déclenchement du conflit avec Téhéran. La surenchère belliciste des néo-conservateurs américains et de Mikheil Saakachvili entraînent ainsi mécaniquement le développement de la stratégie de dissuasion russe basée sur le déploiement de missiles Iskander et la mise en place de nouvelles forces d'intervention militaire.

 

Dans ce contexte de montée des tensions caucasiennes, le vote par le Sénat français le 23 janvier d'une nouvelle loi de censure mémorielle à la demande d'organisations arméniennes (et conformément à une promesse de M. Sarkozy faite en octobre) affaiblit les chances de la France de concourir à la paix dans la région. Outre les pertes économique chiffrées en milliards d'euros que le vote de cette loi pourrait provoquer si Ankara prenait des mesures de rétorsion économique, celui-ci compromet d'ores-et-déjà le rôle de médiation de Paris dans le conflit du Haut-Karabakh (au sein du groupe dit de Minsk). Ali Ahmedov, secrétaire exécutif du Parti de Nouvel Azerbaïdjan (YAP) au pouvoir à Bakou a déclaré à ce sujet mercredi 24 janvier : "Une loi tellement absurde et infondée montre que la France se présente ouvertement comme un défenseur de l'Arménie (…) alors qu'elle devrait garder sa neutralité en tant que coprésident du Groupe de Minsk de l'OSCE (…) La France a trahi sa mission et perdu le droit moral d'y rester".  Les responsables azerbaïdjanais voient dans cette loi une atteinte à la liberté d'expression en France. A l'issue de la première adoption de cette proposition de loi en décembre par l'Assemblée nationale, le ministre azéri des affaires étrangères Elmar Mammadyarov avait estimé que si la France s'intéressait aux génocides, elle devrait aussi s'intéresser au massacre de Khojaly en février 1992 au cours duquel les forces arméniennes auraient tué entre 500 et 1000 civils azéris selon Human Rights Watch, ce que Bakou considère comme un génocide. L'initiative anti-turque de la France est mal vue en Azerbaïdjan qui partage avec Ankara le même substrat culturel. Ce matin, le Centre de la la diaspora internationale d'Azerbaïdjan et l'Organisation pour la Liberté du Karabakh manifestaient devant l'ambassade de France à Bakou pour exiger le retrait de la France du Groupe de Minsk, pour le gel de relations économiques franco-azerbaïdjanaises et pour le retrait de Total des puits de pétrole de ce pays.

 

Mais, paradoxalement, le vote de la loi française et ses effets sur les tensions nationalistes dans le Caucase pourraient bénéficier à la paix du peuple iranien, car, non seulement il complique les relations franco-turques et franco-azerbaïdjanaises, mais il relance aux Etats-Unis le débat sur la reconnaissance du génocide turc promise par Barack Obama. Le Comité national arménien d'Amérique (ANCA) a demandé par la voix de son directeur Aram Hamparian hier à Washington d'imiter la France en reconnaissant à son tour le génocide. Si leur demande était suivie d'effets, au moins sous la forme d'une proposition de résolution au Congrès, la position de Barack Obama - déjà enclin ces derniers temps à avancer des offres de négociation à Téhéran plutôt que de suivre les néoconservateirs - aurait en plus à gérer les effets d'une dégradation de ses rapports avec Ankara, ce qui donnerait un répit supplémentaire à l'Iran.

 

 

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