L’Allemagne n’est pas seulement dominatrice au sein de l’Union européenne en ce moment. Elle l’est aussi en Europe de l’Est. A preuve sa politique en vue d’obtenir la disparition de la République autoproclamée de Pridnestrovie (Transnistrie, entre la Moldavie et l'Ukraine).
Selon Cristian Ghinea dans Romania Libera du 9 décembre dernier : « Les Russes ont engagé des pourparlers avec les Allemands autour d'une nouvelle configuration de la sécurité en Europe [un statut pour la Transnistrie, un réglement du conflit gelé contre une libéralisation des visas pour les Russes dans l'UE]./Mais Berlin a exigé des preuves de bonne volonté : si la Russie veut être un partenaire crédible, elle doit au moins démontrer qu'elle est disposée à résoudre le conflit en Transnistrie. ».
A défaut de pouvoir liquider du jour au lendemain le particularisme transnistrien, Moscou se devait au moins de faire semblant d’avoir essayé quelque chose. Aussi, à l’occasion des élections présidentielles du 11 décembre dernier, Dimitri Medvedev a-t-il défendu, contre le père fondateur (et président sortant) de la République transnistrienne, Igor Smirnov (aujourd'hui proche de Russie Juste, les sociaux-démocrates russes, et qui fait campagne sur le thème "La Transnistrie n'est pas à vendre"), son rival le président du Soviet Suprême, Anatoly Kaminski, 61 ans, ancien cadre supérieur de l’industrie laitière moldave à l’époque soviétique. La politique de promotion du parti de challengers face à Smirnov, pour plaire aux Européens remonte d’ailleurs à 2001.
Moscou a investi de lourds moyens pour satisfaire les appétits allemands à l’encontre du sécessionnisme transnistrien et renverser le président Smirnov (versement d’indemnités aux fonctionnaires et retraités, enquête contre le fils de Smirnov accusé d’avoir détourné 5 millions de dollars de l’aide russe, émission à charge de la chaîne NTV contre les Smirnov – cf la vidéo ci-dessous http://www.youtube.com/watch?v=d1HbtgFt4yw le 8 décembre), sans toutefois aller jusqu’à couper les livraisons de gaz à la Pridnestrovie.
Ainsi « si Smirnov reste en place, expliquait Cristian Ghinea avant les élections, il pourra dire aux Européens (lire : aux Allemands) : voyez, nous avons essayé de le remplacer, mais le peuple de Transnistrie le soutient, nous ne contrôlons pas la situation. / Si Kaminski gagne, le Kremlin dira : voilà, nous vous avons mis un plus jeune et plus réformiste à Tiraspol, voyez avec lui. »
Cristian Ghinea précisait que Kaminski non plus n’était pas prêt à sacrifier l’indépendance de son pays qui s’est constitué en 1990 sur les bords du Dniestr sous l’impulsion de la nomenklatura industrielle locale et des fonctionnaire restés fidèles à l’URSS en réaction à la politique de roumanisation de la Moldavie (dans un contexte de fièvre nationaliste qui, alors, promouvait l’idée d’une fusion dans une Grande Roumanie).
Peu de temps avant les élections, les grands médias y étaient allés de leur charge habituelle contre l’entité transnistrienne. Dans un article du 5 décembre dernier un correspondant du Monde, sur la base du témoignage du responsable d’une ONG moldave financée par la National endowment for democracy et USAID, et d’un défenseur de la culture roumaine en Transnistrie avait resservi le cliché du « trou noir de l’Europe » et accusé le régime de Tiraspol de n’avoir « pas seulement changé d'alphabet, avec la promotion du cyrillique, mais aussi de monnaie, de drapeau, d'histoire » (alors que la Transnistrie n’a fait qu’hériter des drapeau, alphabet et symboles en vigueur dans la Moldavie soviétique jusqu’en 1989…- pour une rectification des contrevérités de nos médias sur la Transnistrie, voir le voyage de deux contributeurs de l’Atlas alternatif dans ce pays en 2007, et le livre qui a été publié à ce sujet).
Pour l'heure la publication des résultats ne cesse d'être reportée. Certaines rumeurs évoquent la percée d'un outsider, Y. Chevchouk. On parle aussi de risque de loi martiale. Ces élections sur lesquelles les pays étrangers pèsent très fortement pourraient menacer sérieusement la stabilité de l'entité des bords du Dniestr.