Si les conflits "gelés" dans le Caucase autour de l'Abkhazie (qui a élu un nouveau président en novembre), de l'Ossétie du Sud (qui vient d'avoir des élections présidentielles plus mouvementées) et du Nagorny-Karabakh (sur lequel les négociations se poursuivent, avec les pressions diplomatiques que cela implqiue) ne font plus la "une" de l'actualité, les puissances occidentales gardent un oeil sur cette région et continue d'y avancer ses pions.
Le 7 octobre, le président français M. Sarkozy était à Tbilissi (Géorgie) pour rappeler la vocation européenne de la Géorgie et reprocher à Moscou d'accroître son implantation en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Un mois plus tard le 17 novembre, le Parlement européen adoptait une résolution défendant l'intégrité de la Géorgie et qualifiant les Républiques sécessionnistes (qui après plusieurs guerres n'ont aucune envie de réintégrer le giron géorgien) de "territoires occupés" suscitant une lettre de protestation du ministère des affaires étrangères abkhaze, mais cette résolution a valu à son rapporteur Krzysztof Lisek d'être décoré à Tbilissi de l'ordre de Saint Georges huit jours plus tard.
Le soutien européen donne des ailes au bouillant président M. Saakachvili qui vient d'annoncer son intention de créer ex-nihilo une ville nouvelle sur les bords de la Mer noire, Lazica, à deux pas de la frontière abkhaze qui devrait devenir un très grand port de et une cité de 500 000 habitants d'ici dix ans. Le but déclaré de Saakachvili est de concurrencer la capitale Abkhaze Soukhoumi. "En dépit des plans échaffaudés par l'ennemi, nous allons créer cette nouvelle grande ville, qui sera bien plus grande que ne l'est actuellement Soukhoumi, et qui sera une base ferme pour permettre à la Georgie de définitivement retourner dans ses territoires perdus car la Géorgie n'est bien sûr pas envisageable sans l'Abkhazie" a affirmé Saakachvili. Peu de temps après l'élection d'Obama le vice-président Biden avait incité Tbilissi à jouer la carte économique pour créer un pôle d'attraction qui destabiliserait l'Abkhazie, en l'absence de possibilités de la reconquérir militairement (cf le livre Abkhazie).
On apprenait par ailleurs la semaine dernière que le Centre de la politique européenne, la Eurasia Partnership Foundation et “Robert Bosch Stiftung” organiseront demain 14 décembre à Bruxelles une conférence intitulée “La lutte pour l'influence dans le Caucase du Sud: Quel rôle pour l’Union européenne” (un titre qui pose clairement l'enjeu en terme de rivalité avec Moscou). Robert Bosch Stiftung est une fondation financée par la société d'ingénierie multinationale et d'électronique du même nom (mais plus connue sous le nom de Bosch) basée près de Stuttgart. Bosch joue un rôle important dans les pipelines d'Azerbaïdjan, et possède aussi des intérêts industriels en Géorgie. Eurasia Partnership quant à lui, créé en 2008, sous des airs "européens" fait partie en réalité d'un réseau basé à Washington, la Eurasia Foundation. A l'origine financée uniquement par le gouvernement étatsunien, elle reçoit aujourd'hui des fonds diversifiés des agences des Nations Unies, de la « Swedish International Development Cooperation Agency (Sida) », des gouvernements de la Norvège et de la Finlande, de l’Ambassade de Grande-Bretagne et l’Ambassade de Pologne, d' une institution danoise, des fondations allemandes ainsi que d’un certain nombre de firmes privées (Chevron, Microsoft, Philip Morris etc, elle semble d'ailleurs liée à la Fondation Soros puisque une des membres de son conseil d'administration fait partie de l'International Crisis Group). Le président du conseil de gestion est Jan Kalicki, ancien conseiller de Bill Clinton (proche donc des démocrates américains comme Soros) et aujourd'hui attaché à la compagnie pétrolière Chevron.
Sanaa Amrani