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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 12:08

Voici un article du contributeur du livre "Atlas alternatif" Raul Zibechi, publié dans le journal mexicain de gauche "La Jornada" aujourd'hui sous le titre "El petróleo brasileño y la desestabilización de Bolivia" (Traduction en français Frédéric Delorca)

 

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Le pétrole brésilien et la déstabilisation de la Bolivie

 

latinamerica.jpgLe 12 Novembre dernier, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a publié à Londres un rapport Perspective pour l'énergie mondiale, qui prévoit que la demande énergétique va croître d'un tiers à 2035 du fait de l'expansion de la consommation de la Chine, l'Inde et le Proche-Orient. Parmi les nombreuses questions, le rapport aborde les différences régionales de prix de l'énergie et comment ce facteur peut contrarier la croissance des économies.

Le pays vedette du rapport es Brésil, auquel il consacre un chapitre qui assure que cet Etat est à l'avant-garde de l'exploration en eaux profondes et en énergies qui proviennent d'hydrocarbures, en raison ses vastes ressources hydroélectriques. Selon lui d'ici 2035, le Brésil va devenir un grand exportateur de pétrole et un producteur majeur de l'énergie dans le monde , ce qui représente un tiers de la croissance de l'offre mondiale de pétrole .

L'agence internationale estime que les ressources du Brésil sont abondantes et diversifiées , un endroit où se trouvent à la fois les énergies renouvelables et les principales découvertes mondiales de pétrole de la dernière décennie. Selon les estimations de l'AIE, conformément aux projets annoncés par Petrobras, la production pétrolière brésilienne passera de 2,2 millions de barils par jour aujourd'hui à 4,1 millions en 2020 et 6,5 millions en 2035, ce qui le place au sixième rang des producteurs .

Il n'y a pas que le potentiel de l'énergie du Brésil. L'AIE assure que d'ici 2035 le Brésil sera responsable de 40 pour cent du commerce mondial des biocarburants, puisqu'il possède a assez de terres pour étendre la culture de la canne à sucre pour l'éthanol, qui couvrira un tiers de la demande intérieure pour les carburants de transport. Le Brésil est un leader mondial dans les énergies renouvelables et est en passe de doubler sa production de carburants renouvelables d'ici à 2035, selon le rapport, pour atteindre un million de barils de pétrole.


La réalisation de ces projections nécessite d'énormes investissements pour l'extraction de l'eau profonde d'environ 60 milliards de dollars par an. Cette année, Petrobras a installé neuf plateformes offshore et a investi près de 50 milliards de dollars. L'agence de l'énergie estime que d'ici 2035, Petrobras sera le leader mondial, avec 60 pour cent de l'extraction mondiale de pétrole en eau profonde. Ainsi, le Brésil est le seul membre des BRICS, qui combine une industrie puissante, une énorme secteur agro-alimentaire et une production d'énergie élevée, ce qui le rend moins vulnérable que, par exemple, la Chine.

Qu'envisagent de faire le Pentagone, le Commandement Sud et le secteur financier des  des Etats-Unis devant cette situation qui, de fait, constitue un défi à l'hégémonie de la superpuissance dans la région? Nous ne savons pas exactement, mais tout va dans le sens d' une déstabilisation croissante du Venezuela et d'autres pays qui sont essentiels pour encercler le Brésil de conflits, comme cela se fait pour tenter de freiner la Chine et la Russie.

Un récent éditorial dans le Wall Street Journal révèle certains objectifs non déclarés mais plausibles. Dans sa chronique hebdomadaire l'éditorialiste Mary Anastasia O'Grady  demande Bolivie est-elle le nouvel Afghanistan? ( The Wall Street Journal, 27 Octobre 2013).L'éditorial est incroyable et il serait hilarant s'il n'était pas publié dans l'un des journaux les plus influents du monde, reflétant la vision des élites du secteur financier et du secteur le belliciste des forces armées.

 

"Le pays andin est devenu un centre de crime organisé et un refuge pour les terroristes" , indique le sous-titre. Rappelez-vous que, après l'occupation soviétique de l'Afghanistan est devenu "un incubateur de crime organisé" , devenant un repaire propice pour des gens comme Ousama Ben Laden. "Quelque chose de semblable peut se passer en Bolivie. Le gouvernement est undéfenseur des producteurs de cocaïne, et la présence iranienne s'y accroît" . Il ajoute qu'Evo Morales et Álvaro García Linera "a commencé à construire un narco-Etat quand ils ont pris le pouvoir en 2006. "

L'éditorial ajoute de supposées informations à des déclarations dignes d'une agence d'espionnage: "l'Iran est susceptible d'avoir financé totalement ou partiellement la construction d'une nouvelle base d'entrainement militaire dans la région Alba de Santa Cruz" . Il n'y a rien qui garantisse ce "est susceptible de" , à part le le fait que l'ambassade d'Iran à La Paz aurait beaucoup de fonctionnaires.

La colonne de la semaine prochaine était dirigée contre le Brésil et son "pur théâtre" dans la manière qu'il a eu de dénoncer l'espionnage américain. « L'appui de Cuba - soutient O'Grady - situe le Brésil sur le mauvais côté de la géopolitique" ( The Wall Street Journal, 3 Novembre). On peut toujours penser que ces affirmations proviennent d'une personne peu sérieuse et, peut-être, comme le suggère le magazine NACLA, qu'il s'agit presque de propos délirants. Mais O'Grady n'est pas un quidam qui écrirait dans un petit journal de province. Il a travaillé pendant dix ans pour le groupe financier Merrill Lynch et il fait partie du comité de rédaction restreint du journal le plus diffusé aux Etats-Unis.

Serait-il délirant de penser que certains secteurs du pouvoir sont en train d'échafauder des opérations plus ambitieuses que celles qui a renversé Manuel Zelaya et Fernando Lugo, anciens présidents du Honduras et du Paraguay? Impossible de le savoir précisément, mais il est bon de rappeler que l'un des points nodaux de la stratégie des Etats-Unis pour rester une superpuissance est d'empêcher l'émergence de puissances régionales qui puissent contester leurs place dominante.

Les analystes brésiliens admettent que la stratégie du Pentagone est de mettre la pression sur les frontières du Brésil pour transformer ses voisins en "États défaillants" (failed States), une catégorie dans laquelle pourraient être placés un jour des pays comme la Bolivie, et peut-être l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay avec le prétexte du trafic de drogue (Defesanet, 1er Novembre). Nous vivons actuellement une période de changements qui inclut des convulsions de toutes sortes. Il est nécessaire que nous nous préparions à les affronter.

 

Raul Zibechi

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