Sommes-nous à la veille d'une intervention militaire contre l'Iran ? Fidel Castro l'a affirmé avec véhémence à la fin du mois de juin. L'ancien ministre de Reagan Paul Craig Roberts faisait le même pronostic en mars dernier en ces termes :
"Aux dernières nouvelles, les militaires des États-Unis acheminent des bombes anti-bunker d'expédition à la base aérienne des États-Unis chez Diego Garcia dans l'Océan Indien. Le Herald Scotland signale que les experts disent que les bombes sont concentrées pour une attaque sur les installations nucléaires de l'Iran. Le journal cite Dan Plesch, directeur du centre pour des études internationales et de diplomatie de l'Université de Londres : « Ils se dirigent vers la destruction totale de l'Iran. »
La prochaine étape sera la mise en scène d'une « attaque terroriste», un leurre prévu par l'opération Northwoods, et l'Iran sera accusée. Comme l'Iran et sa conduite sont déjà diabolisés, ce leurre suffira pour obtenir le soutien public européen et étatsunien pour bombarder l'Iran. Le bombardement ira au delà des installations nucléaires et continuera jusqu'à ce que les Iraniens soient d'accord sur le changement de régime et l'installation d'un gouvernement de marionnettes. Les médias américains corrompus présenteront la nouvelle marionnette sous le nom de « liberté et démocratie. »"
Il est vrai que Paul Craig Roberts avait fait la même prophétie en 2008 heureusement à tort... L'envoi d'une flotte de douze bateaux de guerre étatsunien et un israélien dans le Golfe persique en juin dernier a cependant accru les interrogations a ce sujet, tandis qu'un attentat contre une mosquée iranienne à Zahedan le 15 juillet dernier, pose à nouveau la question de l'ingérence des services secrets occidentaux dans la déstabilisation du pays (comme en octobre dernier au Sistan-Balouchistan, le gouvernement iranien met en cause la milice sunnite des Soldats de Dieu, les Joundallah qui serait en contact avec le CIA au Pakistan).
Les prédictions sur les chances réelles de voir une guerre ouverte éclater sont toujours délicates. Faire croire en la possibilité d'une guerre fait partie intégrante du jeu politique pour impressionner l'adversaire. Et cependant il n'est jamais certain que le bluff ne débouchera pas sur un conflit effectif.
Il est clair en tout cas que les Occidentaux ont marqué des points récemment sur le plan du rapport de force politique en obtenant le ralliement de la Russie à une politique de sanctions contre Téhéran. Le 10 juin dernier le Conseil de sécurité de l'ONU a donc pu voter une quatrième série de sanctions prévoyant des interdictions de voyage et des restrictions financières visant plusieurs individus et entités liés aux activités nucléaires de Téhéran, notamment les compagnies maritimes iraniennes et les Gardiens de la Révolution. Seuls la Turquie et le Brésil très actifs dans la recherche d'une solution diplomatique (Ahmadinejad était à Brasilia en novembre dernier) ont voté contre, le Liban s'est abstenu.
Dans la foulée, les Etats-Unis et l'Union européenne ont adopté leur propre train de sanctions unilatérales contre l’Iran plus sévères que celles prévues par le Conseil de sécurité de l'ONU, notamment en ce qui concerne les investissements énergétiques. La Russie a toutefois condamné ces mesures complémentaires, les jugeant «inacceptables ». Comme le soulignait récemment l'Asia Times, ces mesures pourraient coûter cher à l'Union européenne, qui, à la différence des Etats-Unis, importe du pétrole iranien et pourrait se faire dépasser par les pays asiatique sur ce marché.
Comme si cela ne suffisait pas, des entreprises prennent des initiatives unilatérales non prévues par l'Union européenne. Tel est le cas de Total, qui a décidé d’arrêter de vendre de l’essence à l’Iran. Comme le rappelle Alain Gresh du Monde Diplomatique, "en 1996, le congrès américain avait adopté l’Iran-Libya Sanctions Act, qui permettait de prendre des sanctions contre des sociétés étrangères investissant plus de 20 millions de dollars par an dans le secteur énergétique libyen ou iranien. A l’époque, la France avait refusé de se soumettre à ce diktat. Autres temps, autres mœurs..."
Les néoconservateurs américains, eux, se préparent à intensifier leur campagne pour une intervention militaire contre l’Iran. La revue Commentary estime que les sanctions n'ont servi à rien et qu'il faut passer à l'action militaire. De même Jeff Goldberg dans The Atlantic, correspondant du New Yorker et autrefois fervent adepte de la guerre en Irak. D'une manière générale les anciens partisans de la guerre d'Irak retrouvent de la voix sur le dossier iranien, même en Europe. Ainsi le 26 juin dernier, l’ancien Premier ministre espagnol José Maria Aznar, l’ancien ambassadeur américain à l’ONU John Bolton, étaient âux côtés centaines de parlementaires européens, canadiens et du Moyen-Orient à Taverny (région parisienne) pour soutenir l'organisation politico-militaire d'opposition, les Moudjahidines du peuple qui y organisait une grande manifestation. Mais dans cette affaire les jeux d'alliance sont complexes. Si l'on accuse les Moudjahidines du peuple d'être financés par la CIA, et de compter de nombreux soutiens parlementaires aux Etats-Unis (où ils sont pourtant officiellement inscrits sur la liste des organisations terroristes), ceux-ci ont aussi récemment reçu, bien au delà des cercles néoconservateurs, le soutien de 320 députés français, sous l'impulsion de l'apparenté communiste Jean-Pierre Brard, qui ont signé un appel demandant notamment aux Etats-Unis de protéger les Moudjahidines du peuple basés en Irak.
L’Iran de son côté s’est dit prêt à des négociations avec Catherine Ashton (« ministre des affaires étrangères » de l’Union européenne) après le ramadan. D’autre part, l’AIEA a confirmé « avoir reçu la réponse de Téhéran aux interrogations du groupe de Vienne (Etats-Unis, Russie, France) sur la proposition d’échange de combustible nucléaire faite par le Brésil, la Turquie et la République islamique ».
Le 2 août Mahmoud Ahmadinejad a proposé au président Barack Obama un débat télévisé, et a annoncé qu'il s'exprimera à l'assemblée générale des Nations Unies en septembre. La proposition de débat a été immédiatement taxée de "défi" et de "provocation" par les grands médias bellicistes occidentaux. Noam Chomsky rappelait récemment que l'escalade anti-iranienne des derniers mois, et notamment la militarisation croissante du golfe persique et de la base de Diego Garcia dans l'Océan indien ne contribue qu'à faire reculer le programme de dénucléarisation de la planète officiellement avancé par les grandes puissances.