Ce blog prolonge le travail collectif "Atlas alternatif" publié par Le Temps des Cerises en 2006, conçu et coordonné par Frédéric Delorca. Il vise à fournir un regard critique sur la domination néo-coloniale des grandes entreprises, médias et Etats occide
La conférence de Genève sur la Syrie du 1er juillet a abouti à une proposition qui rappelle la formule de réconciliation appliquée depuis quelques années (sous les auspices de l'Afrique du Sud) au Zimbabwe : faire cohabiter dans un gouvernement d'unité nationale l'opposition soutenue par les Occidentaux et le parti du président sortant - avec toutefois une ambiguïté d'interprétation entre la France et la Russie sur la question de savoir si ledit président doit ou non quitter le pouvoir, ambiguïté qui n'existe pas au Zimbabwe.
Au même moment, au Zimbabwe, la "cohabitation" entre pro-occidentaux (Mouvement pour le changement démocratique - MDC) et anti-impérialistes pro-Mugabe (ZANU-PF) est mise à rude épreuve par un projet de nationalisation des banques lancé par l'entourage du président Mugabe.
En 2007 une loi d’indigénisation et de l’émancipation économique a été votée. En application de cette loi, le ministre zimbabwéen de l’indigénisation Saviour Kasukuwere a lancé début juin une enquête pour voir si les banques britanniques Barclays et Standard Chartered (qui forment l'essentiel du dispositif bancaire zimbabwéen avec la sud-africaine Stanbic répondaient aux critères "d'indigénéisation" c'est à dire que 51 % des actifs au Zimbabwe soient contrôlées par des Noirs du pays.
Saviour Kasukuwere, 42 ans, est un fidèle de Mugabe, membre du Politburo de son parti la ZANU depuis 2001, mais aussi PDG de grosses entreprises (ce qui nourrit des soupçons sur les buts de son action politique). Aux côtés du président du conseil de l'appropriation economique et de l'indigénéisation nationale (National Indigenisation and Economic Empowerment Board) David Chapfika, il mène le combat de l'indigénéisation dans divers secteurs, y compris les mines et l'agro-alimentaire, un projet qui devrait selon eux créer 5 millions d'emplois en 10 ans, permettre la constructions d'infrastructures de santé et de transport et profiter aux communautés riveraines des mines. En ce qui concerne le secteur bancaire, Kasukuwere s'était déjà confronté l'été dernier, au gouverneur de la banque centrale Gideon Gono (inculpé pour corruption et sabotage de l'économie). Il a aussi contre lui ministre des finances Tendai Biti (membre du Mouvement pour le changement démocratique, actuellement sous le coup d'une enquête de police pour le détournement de 20 millions de dollars d'aide du FMI) et le premier ministre pro-occidental Morgan Tsvangirai qui au printemps dernier s'est opposé au projet de Kasukuwere de nationaliser toutes les grandes entreprises qui ne vendraient pas leurs actions à des jeunes Noirs. Parallèlement des banques,notamment la Stanbic, ont été obligées de créer des fonds d'aide à la jeunesse.
Mardi dernier (3 juillet) le journal officiel du Zimbabwe a publié un ultimatum laissant un an aux grandes banques étrangères pour céder 51 % de leurs actifs à des Noirs du pays sous peine de nationalisation. Les milieux financiers voient dans cette menace l'équivalent de la campagne de confiscation des terres des grands propriétaires menée par Mugabe au début des années 2000. La montée au créneau des ministres du MDC contre Saviour Kasukuwere et David Chapfika pourrait constituer, comme l'an dernier, une première ligne de défense pour les banquiers (avant une éventuelle ingérence extérieure), et ce alors qu'un nouveau projet de constitution est à l'étude. Le MDC a déjà dénoncé le risque de voir les investisseurs étrangers se détourner du Zimbabwe et accusé Kasukuwere et Chapfika de vouloir faire main basse sur l'économie pour leur propre compte ou celui des clients de la ZANU.