Ce blog prolonge le travail collectif "Atlas alternatif" publié par Le Temps des Cerises en 2006, conçu et coordonné par Frédéric Delorca. Il vise à fournir un regard critique sur la domination néo-coloniale des grandes entreprises, médias et Etats occide
Dans le cadre de manifestations qui ont pris une ampleur considérable dans les milieux estudiantins fin septembre contre la décision de Pékin de limiter la portée du suffrage universel pour Hong Kong (ex-colonie britannique rattachée à la Chine mais qui a gardé un système multipartiste) en 2017, plus de 100 manifestants ont forcé les portes du siège du gouvernement de Hong Kong le 26 septembre au soir, lors d'un rassemblement d'étudiants. Le mouvement, dénommé "Occupy center" s'est enraciné à divers endroits de la ville, et certains médias commencent à parler d'une "Révolution des parapluies".
Selon le journaliste Peter Lee "Occupy Central est un programme soigneusement planifié de désobéissance civile, d'escalade, et de provocation destinée à provoquer une crise politique qui polarisera l'opinion", notamment l'organisation d'un référendum illégal pour dépouiller de son pouvoir le comité désigné pour arrêter la liste des candidats.
Tony Cartalucci, du site Land Destroyer, remarque que les leaders du mouvement Martin Lee et Anson Chan étaient intervenus en avril dernier devant le National Endowment for Democracy (organe gouvenemental d'ingérence étatsunien) dans le cadre d'un exposé intitulé "Pourquoi la démocratie à Hong Kong compte" dans lequel il insistait sur l'utilité de l'ile de Hong Kong pour "contaminer" (infect) la Chine continentale avec les moeurs capitalistes occidentales. Le scénario de la "révolution des parapluies" était déjà présenté dans cette intervention.
Des oligarques sont entrés en scène comme le magnat de la distribution textile et de la presse Jimmy Lai (vidéo ci dessous) qui a versé 10 millions de dollars de Hong Kong au mouvement pro-démocratie en un an. Comme le note encore Peter Lee dans Asia Times "Si vous voulez comprendre ce qui se passe à Hong Kong, vous ne pouvez pas vous focaliser uniquement sur la beauté de la démocratie et le côté adorable des étudiants. Le mouvement de la démocratie est également inséré dans une matrice d'argent, de subterfuge, de compromis, de subornation, de propagande et de manipulation".
Le Quotidien du Peuple, organe du PC chinois, insiste sur le fait qu'il n'y a pas de démocratie sans respect des lois, accuse Occupy Central de vouloir semer le chaos et dénonce les déclarations du Département d'Etat américain favorables aux manifestants. La principale préoccupation du gouvernement de Pékin est l'effet domino sur Taiwan, le Tibet, et le Xinjiang (où une centaine de personnes ont été interpelées pour apologie du djihad sur Internet) . Il a autorisé le secrétaire exécutif de Hong Kong à rencontrer des représentants des étudiants, dans le but de réfléchir à une éventuelle réforme du processus de nomination des candidats de 2017.
En plein milieu des négociations, le très anti-communiste journaliste australien John Garnaut a révélé que le chef de l'exécutif de Hong Kong CY Leung a reçu sans les déclarer 7 millions de dollars d'une société australienne pendant la campagne électorale, un moyen de pression bien utile sur l'intéressé. Au même moment le très pro-démocrate membre du conseil de Hong Kong Alan Leong laissait entendre que Pékin allait faire des révélations financières sur CY Leung... ce qui était une manière par anticipation de créer de la suspicion entre le gouverneur de de Hong Kong et ses alliés du régime chinois... Peter Lee (toujours lui) émet l'hypothèse que les médias occidentaux eux-mêmes cherchent à provoquer une révolution à Hong Kong, afin de justifier la forte présence de leurs reporters sur place, alors que le mouvement estudiantin serait, lui, instrumentalisé par des intérêts financiers qui ne recherchent qu'une organisation des élections de 2017 avantageuse pour eux, mais pas de changement substantiel sur l'île. Lee fait aussi remarquer que le magnat de la presse Jimmy Lai a organisé récemment une réunion censée être ultra-secrète avec Shih Ming-Teh (une sorte de Lech Walesa taïwanais qui aurait conseillé à Lai de mettre les étudiants, les jeunes filles et les mères avec des enfants à l'avant-garde des manifestations de rue, afin d'attirer le soutien de la communauté internationale et la presse), et des représentants de Hong Kong parmi lesquels un supporter de manifestants Fan Keqian qui, sur une chaîne de TV à Taiwan aurait accusé Lai d'avoir organisé cette fuite après avoir confisqué tous les portables pendant la réunion, ce qui est un indice complémentaire de la complexité du jeu qui se joue dans le triangle millionnaires de Hong-Kong-Pékin-Taiwan (avec des prolongements aux Etats-Unis et en Australie).
Certains observateurs notent qu'à supposer que Pékin parvienne à une solution de compromis, et que le mouvement de Hong Kong ne fasse pas tache d'huile sur le continent, la "révolution des parapluies" a au moins, comme au Xinjiang, l'avantage pour ceux qui veulent affaiblir la Chine d'encourager le chauvinisme et les tendances séparatistes sur l'île.
F. Delorca