Ce blog prolonge le travail collectif "Atlas alternatif" publié par Le Temps des Cerises en 2006, conçu et coordonné par Frédéric Delorca. Il vise à fournir un regard critique sur la domination néo-coloniale des grandes entreprises, médias et Etats occide
Deux initiatives du Surinam (ex-Guyane hollandaise) ont marqué l'actualité internationale des dix derniers jours dans un sens qui ne peut que déplaire à Washington.
Le 26 novembre dernier son président, Desi Bouterse, à l'occasion des 35 ans de l'indépendance du pays, accueillait à Paramaribo le président du Venezuela Hugo Chavez. Quatre accords de coopération ont été signés à cette occasion entre les deux pays, sur la base notamment d'échanges d'urée (qui est à la fois un engrais agricole et un stabilisateur d'explosifs, Caracas en a déjà offert au Nicaragua) venezuéliens, contre du riz surinamien, ainsi que des livraisons de pétrole à prix préférentiel dans le cadre de l'accord Petrocaribe. Chavez a souligné que les deux pays s'étaient trop longtemps ignorés l'un l'autre. Les Vénézuéliens vont apporter une aide au Surinam pour le développement agricole. Le Surinam est un pays peu dense de 500 000 habitants qui dispose de grandes réserves d'eau douce (sur la guerre de l'eau des multinationales en Amazonie voir cet article récent en espagnol) et de terres cultivables importantes. Selon Chavez ce pays pourrait être utile pour affronter le problème de la faim dans le monde, et fournir des ressources alimentaires pour les pauvres en échappant à la mainmise des pays du Nord. Le président vénézuélien a fait part de son souhait de faire profiter le Surinam de la coopération que son pays développe avec Cuba, la Biélorussie, et la Russie. Lui-même venait du Guyana avec lequel il entend renforcer la coopération pétrolière et agricole (le Guyana fut un pays d'orientation socialiste assez clairement pro-soviétique au milieu des années 80).
Le président Bouterse était lui aussi récemment au Guyana voisin où il s'est déclaré impressionné par l'action des médecins bénévoles cubains en ophtalmologie (300 étudiants guyanais sont formés à Cuba en ce moment).
Deuxième source de désagrément pour Washington, le 2 décembre, le ministre de la défense surinamais, Lamure Latour, a rencontré son homologue chinois, Liang Guanglie, à Pékin où il devait rester 4 jours. Déjà en 2007 la Chine avait doté le Surinam de véhicules blindés. La coopération économique entre Pékin et le Surinam quant à elle s'était déjà développée sous le mandat du président Ronald Venetiaan.
Le président surinamais Bouterse a exercé une dictature militaire au Surinam dans les années 1980 (à l'époque d'ailleurs il avait eu des relations difficiles avec Fidel Castro) mais il s'est excusé pour les crimes de sa jeunesse, et a légalement été élu dans le cadre d'élections pluralistes en mai et juillet dernier (élections législatives directes puis présidentielles indirectes) par une population jeune qui n'a pas connu le régime militaire.
Il a été condamné par contumace à 11 ans de prison en 1999 par un tribunal de l'ancienne puissance coloniale hollandaise. Les Pays-Bas (dont le premier ministre a déclaré qu'il n'accueillerait M. Bouterse que pour le mettre sous les verrous), les libéraux hollandais au Parlement européen, Reporter sans frontières, ont proné un boycott de son gouvernement et aucun chef d'Etat n'a assisté à son intronisation (ce qui n'a cependant pas empêché la France, qui a une frontière commune avec ce pays, de le féliciter pour son élection).
Le Surinam dont l'économie dépend traditionnellement de la bauxite exploitée par les Hollandais a récemment diversifié son économie, ce qui peut favoriser son non-alignement. Mais les influences impérialistes perdurent. Sur le plan économique, la moitié des importations proviennent des Etats-Unis et des Pays-bas. 10 % des recettes budgétaires proviennent de l'aide néerlandaise. Les sources de dépendance ne sont pas seulement financières. En août 2009, les Etats-Unis ont nommé comme ambassadeur à Paramaribo John R. Nay, ancien étudiant missionnaire de l'Eglise adventiste du septième jour. Au Surinam le protestantisme est le deuxième courant religieux (25 %) derrière l'hindouïsme (27 %) et le pays compte 17 congrégations adventistes, peut-être autant de relais d'action possibles pour l'administration Obama.
Frédéric Delorca