Vendredi dernier (14 mai), l’Ethiopie, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie ont signé un accord remettant en cause le traité de partage des eaux du Nil élaboré en 1929, à l’époque de l’occupation britannique, et amendé au moment des indépendances africaines. Cet accord très favorable aux deux pays en aval attribue à l’Egypte (55 milliards de m³) et le Soudan (18 milliards) près de 90% du volume annuel du fleuve. Le traité octroie en outre au Caire un droit de veto sur tous les travaux susceptibles d’affecter son débit. En 1978, le président égyptien Anouar el-Sadate avait ainsi menacé de bombarder l’Ethiopie si les travaux d’un barrage n’étaient pas interrompus. Addis-Abeba avait cédé.
Aujourd'hui l'Ethiopie se sent davantage en position de force et prévoit de construire une quarantaine de micro-barrages. L'Egypte l'accuse d'avoir sur ce point le soutien d'Israël qui pourrait en financer quelques-uns.
En septembre 2009, le ministre des affaires étrangères israélien M. Avigdor Lieberman a rendu visite aux trois pays qui contrôlent le bassin du Nil : l'Ouganda, le Kenya (où s'était rendu le président M. Ahmadinejad quelques mois plus tôt) et l'Ethiopie. Certains analystes arabes comme Galal Nassar dans Al -Ahram estiment qu'Israël utilise les pays en amont du Nil pour mettre en péril la survie de l'Egypte dont l'agriculture dépend complètement du Nil (et en dépendra encore davantage à mesure que sa population augmente). Au Kenya, Lieberman a d'ailleurs signé un important accord sur l'eau. Le ministre qui en 1998 avait recommandé de bombarder le barrage d'Assouan pour inonder l'Egypte aurait ainsi plutôt opté pour le chantage à l'assèchement.
Israël a du reste tout autant besoin d'eau que l'Egypte. Le 8 septembre, à propos de la visite de Lieberman en Afrique, le journal français Le Figaro remarquait d'ailleurs : "En 1974, un projet envisageant la restitution de Jérusalem-Est aux Palestiniens en échange du transfert annuel de 840 millions de m³ - suffisants pour couvrir les besoins en eau d'Israël à l'époque - s'est encore heurté à l'hostilité de l'Éthiopie et du Soudan et au veto du premier ministre israélien Menahem Begin. Cinq ans plus tard, Israël a retenté sa chance après la signature du traité de paix de Camp David. Mais l'Égypte s'y est opposée, arguant qu'une telle décision requiert l'accord de tous les pays riverains. Israël a retenu la leçon. Et prépare peut-être la prochaine offensive."
En ce qui concerne l'autre grand pays arrosé par le Nil, le Soudan, son instabilité sert aussi les intérêts israéliens. Israël a mené des raids aériens au Soudan en 2009 et entretenu la sécession au Darfour et du Sud-Soudan. Dans ce pays le processus électoral du mois dernier, qui s'est déroulé dans le cadre d'un plan de paix visant à un meilleur partage des ressources, semble de plus en plus compromis, tandis que les armes affluent à nouveau, ravivant le risque de reprise de la guerre civile.