"Indignés" bulgares
Sur Mediapart, Albena Dimitrova, économiste et essayiste présente la situation du mouvement social bulgare.
"Après plus de 40 jours consécutifs de protestations, exposet-elle, Sofia et d’autres villes de Bulgarie voient leurs rues toujours investies de citoyens excédés par la corruption et les lacunes de la représentativité parlementaire. Les Indignés bulgares sont aujourd’hui les Inaudibles d’un pays et de toute l’Europe. Leurs revendications de changement de la Constitution, du Code électoral et plus largement, d’une refondation des règles démocratiques, émergent dans un contexte de crise politique profonde. En février dernier, suite à une hausse brutale des prix de l’électricité, une première vague de mécontentement populaire avait provoqué, à quelques semaines de la fin de son mandat, la démission du premier ministre bulgare, Boiko Borissov, leader du parti de centre-droit Gerb " La nouvelle majorité de gauche issue d'élections anticipées a suscité à son tour la colère du pays en nommant un oligarque, Delyan Peevski, à la tête de l’Agence d’État pour la sécurité nationale (les services des renseignements) en charge de la lutte contre la corruption. Le gouvernement a fait marche arrière, mais la mobilisation populaire a continué de prendre de l'ampleur.
Entre 2 et 3 000 personnes ont encerclé le Parlement bulgare, le 23 juillet, empêchant des députés et ministres de sortir pendant plusieurs heures. Toni Nikolov dans Kultura explique que comme en Turquie et en Egypte, en Bulgarie "une nouvelle démocratie issue des réseaux sociaux peut briser le statu quo des réseaux clientélistes, chers au Parti socialiste et à ses partenaires". La police a essayé dans la soirée d'évacuer les personnes bloquées avec un autobus qui roulait dans la foule blessant des manifestants, mais le véhicule a été pris d'assaut et des vitres ont été brisées. Deux tiers des Bulgares se déclarent favorables aux manifestations selon un sondage.
En visite en Bulgarie mardi, la commissaire européenne pour la justice Viviane Reding selon une dépêche d'agence a déclaré via Twitter être favorable aux revendications populaires, un message très teinté d'ingérence impériale dont le sens était visiblement de dédouaner l'Union européenne de toute responsabilité dans la situation économique difficile de la Bulgarie. Devant 400 personnes réunies au Club militaire de Sofia, après l'exposé introductif du président de la République Rosen Plevneliev, elle a expliqué que l'argent versé par l'Union européenne était largement détourné par la corruption, et a appelé au renforcement de l'indépendance de la justice et des médias.
FD
Mali : la France transmet le relais, mais les accusations d'ingérence perdurent
Le 1er juillet dernier, la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) a transmis le flambeau de la préservation de la paix au Mali à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) conformément aux résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies et la France a promis de retirer ses 4 000 hommes du pays avant la fin de l'année. Pour autant ce désengagement apparent de la France ne dissipe pas les soupçons d'ingérence. En premier lieu du fait de l'organisation de la MINUSMA : elle est dirigée par le général rwandais fidèle de de Paul Kagame Jean-Bosco Kazura, comme Commandant de la force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) au moment pourtant où l'ONU accuse des officiers rwandais d'entretenir la rebellion du M-23 au Nord-Kivu. Cette nomination, qui a déçu le Tchad - très présent dans la bataille contre les islamistes au Mali, et confirmée l'entregent diplomatique du Rwanda (par ailleurs membre du conseil de sécurité en ce moment), a été perçue par certains analystes maliens comme un coup de pouce aux sécessionnistes touaregs que Bamako accuse Paris de soutenir. M. Bouare, du Reporter, notait ainsi le 29 juin qu'alors que le secrétaire général adjoint de l’Onu chargé des opérations de la Paix est un français (Hervé Ladsous) et que le responsable de l'opération Serval est un ancien de l'opération Turquoise au Rwanda (le général Grégoire de Saint-Quentin «Barrera») la nomination du général Kazura par Ban Ki-Moon n'a pu se faire qu'avec l'aval de Paris, dans un but hostile à l'unité du Mali. Même hypothèse du côté du journal L'Enquêteur sous la plume d'Aliou Badara Diarra.
En second lieu Paris est accusé de monter de toute pièce les élections du 28 juillet prochain. Le collectif Front nouveau citoyen multiplie les griefs : "A Bamako courent de folles rumeurs sur les millions de cartes de vote éditées en surplus (? !), dans la plus grande opacité, par le pouvoir intérimaire, au moment où des électeurs potentiels du même nombre sont privés de leurs droits constitutionnels par défaut de NINA (la carte d’électeur) (...) Sauf rebondissement, le tiercé gagnant dans l’ordre est le suivant: Ibrahim Boubacar Keita (IBK), Président, Soumeïlou Boubeye Maïga, premier ministre, et le capitaine Amadou Aya Sanogo, chef d’état-major occulte de l’armée en dépit de son grade de capitaine. (...) Le scenario prévoit même un deuxième tour électoral mettant en compétition IBK et Soumaïla Cissé, en un remake des compétitions électorales françaises en ce qu’il opposera IBK, le poulain socialiste, à un ancien cadre supérieur des entreprises françaises, notamment Air Liquide et Pechiney, Soumaïla Cissé, qui passe pour bénéficier des sympathies de la droite française. (...) Oumar Mariko, candidat communiste, seul candidat à jouir d’une audience certaine dans le Nord du Mali, a été interdit de faire campagne dans cette zone sous contrôle militaire français, de crainte que ses harangues ne mettent en route un mouvement de protestation contre la présence militaire française au Mali.. Sous cape, il se murmure que la chancellerie française à Bamako s’active pour dissuader les opposants de contester les résultats de ce simulacre électoral, contre arguments sonnants et trébuchants : le remboursement des frais électoraux, particulièrement la caution de dix millions de Frs CFA bonifiés d’une prime au silence.(...)"
Ces accusations ne sont pas toutes aisées à vérifier, mais la grande presse reconnaît elle-même que le forcing de François Hollande pour que les élections aient lieu avant la fin du mois de juillet a compromis la possibilité d'établir des listes électorales fiables, et Tiébilé Dramé, président du parti de gauche Parena dénonce depuis plusieurs semaines un scrutin qui ne sera « ni libre ni équitable » et a retiré sa candidature en signe de protestation.
Ces entraves à la souveraineté du Mali ne suscitent pas de réaction au sein du conseil de sécurité de l'ONU dans la mesure où elle bénéficie aux principales puissances mondiales, et pas seulement les Occidentaux. Aux dernières nouvelles le gouvernement du Mali a demandé à la Russie de lui livrer des hélicoptères, des avions de combat et des véhicules blindés pour combattre les rebelles islamistes dans le nord du pays, selon le quotidien russe Vedomosti du 23 juillet. La Chine a annoncé le 29 juin qu'elle enverra 500 soldats dans le cadre de la Minusma. Les possibilités pour le peuple malien de faire entendre sa voix sont aujourd'hui des plus réduites.
F. Delorca
L'establishment étatsunien divisé sur le bombardement de la Syrie
Comme à l'époque de George W. Bush sur l'Iran, les responsables civils de l'administration Obama sont plus enthousiastes à l'idée de bombarder la Syrie que les responsables militaires. Alors que le secrétaire d'Etat démocrate John Kerry qui propose de bombarder l'armée de Bachar al-Assad et me général Martin Dempsey, président du Comité des chefs d'état-major des forces armées, penche pour la non-intervention et souligne les inconvénients dans une lettre adressée au président de la commission des forces armées du sénat américain Carl Levin, notamment l'ampleur des moyens qui devraient être mis à crontribution : Dempsey estime que des centaines d'avions, y compris embarqués, seraient nécessaires pour des attaques limitées à distance contre les positions de l'armée syrienne (plus de 700 vols opérationnels). La prise de contrôle des arsenaux d'armes chimiques devrait être soutenue par plusieurs milliers de soldats des unités d'élite. L'opération aérienne coûterait aux contribuables américains un milliard de dollars par mois pendant au mois un an. Compte tenu des opérations au sol, les dépenses seront significativement supérieures. La question d'une intervention militaire ne serait donc pas à l'ordre du jour tandis que les modalités de livraisons d'armes sont toujours débattues à Washington, Londres et Paris.
Sur le terrain en Syrie les rebelles prépareraient selon les agences occidentales une vaste offensive pour prendre la ville et la province d'Alep (nord), à la demande et avec l'aide de l'Arabie saoudite. Les rebelles auraient remporté un premier succès lundi en prenant Khan al-Assal, bastion du régime à l'ouest d'Alep et leur prochaine étape serait de prendre l'Académie Assad pour l'ingénierie militaire, située à l'entrée sud d'Alep. Depuis une semaine les forces gouvernementales s'employaient à rétablir l'autoroute ente Lattaquié et Alep, tandis qu'elles revendiquent la reconquête de nombreuses zones dans la province de Deraa (centre du pays). Par ailleurs depuis huit jours des combattants kurdes affrontent les djihadistes dans le Nord-est. Au moins 17 combattants kurdes syriens et jihadistes ont péri mercredi dans de violents combats dans la province de Hassaka rapporte le très controversé Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Les combattants kurdes effectuent des avancées cette région, où ils cherchent à établir une région autonome. Au moins 13 combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et du Front Al-Nosra, deux groupes affiliés à al-Qaida, ont été tués. Il y a huit jours l'Armée de libération syrienne avait affronté EIIL dans la province d'Idleb.
Affaire Snowden : Hollande humilie la Bolivie, Morales contre-attaque
Selon un document secret révélé par l'informaticien Edward Snowden, l'Agence de sécurité nationale (NSA) des Etats-Unis a procédé à des écoutes dans les représentations de l'UE à Washington et à New York et a même accédé à ses réseaux informatiques. D'après le quotidien allemand Der Spiegel, cette révélation laisse supposer que la NSA a également pratiqué des écoutes téléphoniques aux sièges du Conseil européen et du Conseil des ministres de l'UE. Le quotidien britannique The Guardian a annoncé le 30 juin, citant un document fourni par Edward Snowden, que les Etats-Unis espionnaient 38 missions diplomatiques étrangères, dont des ambassades de leurs alliés, l'Italie et la France.
En France EELV,, le Front de Gauche (ainsi que, à droite, le FN et DLR) ont proposé que l'asile politique soit accordé à M. Snowden actuellement à Moscou. Mais au lieu de cela le gouvernement socialiste français (qui aurait pu utiliser l'incident dans le cadre de a négociation du "grand marché transatlantique" avec Washington) s'est évertué à atténuer la responsabilité des Etats-Unis et a humilié le président de la Bolivie, accusé à tort de transporter Snowden dans son avion au retour de la Russie, en l'empêchant mardi dernier (comme le Portugal) de survoler le territoire national.
Jeudi, une douzaine d'eurodéputés ont signé une déclaration de solidarité avec le président Morales et demandé que le haut représentant de l'Union européenne (UE) pour la politique étrangère, Catherine Ashton présente des excuses au président Morales. Ce texte, signé par l'espagnol Willy Meyer (IU), Ana Miranda (BNG) et Raul Romeva (IU), et d'autres députés Verts et Gauche unitaire / Gauche verte nordique affirme que "L'Union européenne est prête à violer les garanties fondamentales et du droit international afin de répondre aux demandes des Etats-Unis." Les présidents de l'Argentine, Cristina Fernandez, de l'Uruguay, José Mujica, du Venezuela, Nicolas Maduro, de l'Équateur, Rafael Correa, et du Suriname, Désiré Bouterse ont condamné également "l'offense et les pratiques néocoloniales qui existent encore sur notre planète au XXIe siècle". Le vice-président bolivien Alvaro Garcia Linera, a annoncé que son gouvernement a déposé une plainte à l'Organisation des Nations Unies pour le "kidnapping" de l'avion d'Evo Morales.
Après que l'Equateur, déjà embarrassé par l'affaire Assange, a manifesté sa réticence, le Venezuela, le Nicaragua et la Bolivie se sont déclarés prêts à accueillir Snowden sur leur territoire.
F. Delorca
Washington ne condamne pas le coup d'Etat en Egypte, incertitudes sur l'avenir
Le 1er juillet après que des millions d'Egyptiens sont descendus dans les rues, les forces armées ont lancé le lendemain un ultimatum de 48 heures aux responsables politiques. Le premier président égyptien élu, issu des rangs des Frères musulmans, Mohamed Morsi, a rejeté la mise en garde de l'armée.
Le mercredi 3 juillet, le général Abdoul Fatah al-Sissi annonçait à la télévision la destitution de Morsi et la suspension de la Constitution.
Dans le même temps, Mohamed Morsi était mis aux arrêts, remplacé provisoirement par le président de la cour constitutionnelle, des cadres des Frères musulmans étaient arrêtés et les médias proches de la confrérie fermés ou repris en main. Ce renversement n'a provoqué que peu de réactions de soutien à Morsi à l'intérieur du pays comme à l'étranger. Al-Ahram le 3 juillet avait montré comment, outre la faillite économique, Morsi s'était coupé de toutes les institutions du pays, de l'armée aux syndicats. Sur le plan international l'Egypte avait poursuivi la politique de paix avec Israël et nourri des velléités contradictoires à l'égard de la Syrie et de l'Iran.
Le président américain Obama dont le pays fournit 1,3 milliards d'aide militaire à l'Egypte chaque année, a publié une déclaration écrite expliquant qu'il était "profondément préoccupé" et exhortant les généraux à rétablir un gouvernement démocratique rapidement, mais en se gardant de parler de coup d'Etat et de condamner le renversement du président Morsi (New York Times 6 juillet). Le Wall Street Journal du 4 juin a appelé Washington à ne pas suspendre l'aide au Caire.
Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), jugé anti-américain par le Wall Street Journal et qui a su prendre des positions hétérodoxes, par exemple en appelant à une solution négociée en Syrie plutôt qu'au renversement d'Assad, pourrait être nommé premier ministre. Farid Ismail, responsable de l'aile politique du Parti de la liberté et de justice a qualifié El Baradei d' "homme de Washington". Le leader religieux, basé au Qatar d'origine égyptienne Youssef al-Qaradawi a déclaré dans un édit religieux, ou fatwa, aujourd'hui ue les Egyptiens doivent soutenir le président déchu Mohamed Morsi et demandant à al-Sisi et ses partisans "de se retirer pour préserver la légitimité et la démocratie".
FD