Paraguay : une chasse aux sorcières au profit des multinationales
Dans notre précédent billet sur le Paraguay nous avions souligné l'intérêt de multinationales de l'agro-alimentaire comme Monsanto derrière le coup d'Etat parlementaire. L'information se confirme puisque le nouveau pouvoir en place a menacé de licencier une centaine d'employés de CENAVE, l’organisme de contrôle des semences.
L'épuration touche aussi d'autres secteurs administratifs ainsi que la télévision publique et la centrale hydroélectique d'Itaipú Binacional selon un communiqué président destitué Fernando Lugo du 9 juillet dernier, tandis que l'enquête sur la tuerie qui a motivé le renversement Lugo a été enterrée.
Le coup d'Etat aurait aussi ouvert la voie à une implantation de la multinationale canadienne de métallurgie Río Tinto Alcán, dont le projet d'usine d'aluminium pourrait aboutir à confisquer les ressources électriques de centaines de petites entreprises paraguayennes. Ce projet avait déjà été ardemment soutenu en 2011 par le ministre libéral de l'industrie et du commerce Franciso Rivas qui a été confirmé à son poste par le nouveau président putschiste Federico Franco. A l'époque Domingo Laíno, un libéral dissident qui vient de quitter le conseil d'Itaipú Binacional et s'oppose désormais à Federico Franco avait dénoncé les pots de vins versés par l'entreprise. Il assure aujourd'hui que Río Tinto Alcán a les moyens désormais de devenir un "Etat dans l'Etat" au Paraguay.
Le chercheur Silvio Núñez sur le site de CADTM fait remarquer que l’un des premiers pays, après le Vatican et l’Allemagne, à avoir reconnu le nouveau gouvernement mis en place au Paraguay suite à un « coup » d’Etat parlementaire est le Canada, le pays de Rio Tinto Alcán, et que cette société est accusée d'avoir trempé dans un soulèvement militaire en Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1980.
Le Cambodge allié de la Chine fait échouer le sommet de l'ASEAN
Pour la première fois depuis sa création, les pays de l'Association des nations d'Asie du sud-est (Asean) dont le fonctionnement repose sur le consensus de ses membres, se sont séparés, le 13 juillet dernier, sans parvenir à un déclaration commune, alors que cet organisme était censé prendre position sur le contentieux territorial entre la Chine d'une part, le Vietnam et les Philippines d'autre part, en mer de Chine méridionale. Selon les diplomates présents à la réunion la responsabilité de l'échec incombe au Cambodge, pays hôte de la conférence, qui s'est opposé seul au projet de texte avancé par les autres pays. Cet échec conforte la Chine dans sa volonté de règler le problème territorial au niveau bilatéral avec ses deux voisins.
Pour beaucoup d'analystes, la division de l'ASEAN sur ce dossier est aussi due à la montée en puissance de la présence navale des Etats-Unis dans le Sud-Est asiatique (voir nos articles précédents) qui place la Chine dans une position d'encerclement.
Le Cambodge est très lié à la Chine, notamment sur le plan de l'énergie et de la prospection pétrolière. Chinese national off-shore oil company aurait investi 200 millions de dollars dans la recherche d'hydrocarbures dans ce pays. Cette aliance se traduit par des votes atypiques à l'ONU. En février 2012 il s'était, comme Moscou, Pékin, La Havane et Caracas contre une résolution de l'ONU condamnant la répression gouvernementale en Syrie. En septembre 2011 il s'était absenté lors du vote de reconnaissance du Conseil national de transition libyen.
Rumeurs et manipulations au Yémen
Selon "Hood" un groupe de défense des droits de l'homme au Yémen, les forces de sécurité (toujours dirigées par un membre de la famille du dictateur déchu Ali Abdallah Saleh) entretiendraient un réseau de prisons secrètes où sont perpétrées des tortures malgré l'ordre du ministre de l'intérieur de libérer tous les détenus politiques. L'information pour l'heure n'est pas reprise par d'autres groupes. Il est clair en tout cas que les violations des droits de l'homme demeurent nombreuses (et ignorées des médias occidentaux) dans ce pays à l'instigations des forces de sécurité. Ainsi le 7 juillet, les forces de l'ordre à bord de trois véhicules blindés et des tireurs embusqués ont tiré sur des manifestants à Aden.
Ali Abdallah Saleh renversé par le "printemps arabe" l'an dernier est loin d'avoir renoncé à tout rôle politique dans son pays.Selon les déclarations du secrétaire général (numéro 2) du Mouvement sudiste (une coalition informelle réunissant des groupes politiques dont certains veulent que le sud du Yémen fasse sécession du reste du pays), le général à la retraite Abdallah Hassan al-Nakhibi, dans le journal Akhbar Alyawam, des émissaires de Saleh auraient rencontré Hassan Nasrallah à Beyrouth pour lui faire savoir qu'il serait prêt à livrer des armes de la garde républicaine à la rébellion houtiste (chiite) dans l'extrême nord du pays. Ce responsable accuse d'ailleurs l'Iran d'organiser des sabotages dans le Sud, et d'avoir choisi de déstabiliser le Yémen pour compenser une éventuelle perte de la Syrie (où les défections du régime baasiste se sont multipliée récemment). Un officiel yéménite a d'ailleurs fait avoir sous couvert d'anonymat au journal koweitien Al Seyassah qu'un diplomate syrien serait dans le réseau de neuf membres arrêtés par les autorités de Sanaa la semaine dernière. Ces rumeurs sont à prendre avec précaution car elles coïncident avec une forte campagne anti-syrienne et anti-iranienne sur de blogs yéménites en anglais visiblement proches des Occidentaux.
Des sources du Congrès général du peuple affirment aussi que des membres de la famille de Saleh ont pris contact avec les représentants de la Russie et de la Chine à l'ONU, elles aussi non démontrées.
Les accusations d'ingérence se multiplient dans des directions opposées au Yémen. Si les alliés des Occidentaux affirment que l'Iran avance ses pions dans ce pays, la TV iranienne Press TV, elle cite un expert libanais Moufid Jaber du Centre d'études et de relations publiques sur le Proche Orient (Center for Middle East Studies and Public Relations) - probablement ce que France 24 appelle le Middle East center - qui accuse les services secrets israéliens d'être derrière diverses tentatives de déstabilisation du pays, y compris via Al Qaida qui a revendiqué l'attentat qui a coûté la vie à 25 personnes devant l'école de police de Sanaa le 11 juillet dernier et rappelle que le nouveau président yéménite a été imposé au pays par les Occidentaux. La position stratégique de ce pays au sud des pétromonarchies où la révolution populaire n'a pu aller à son terme explique sans doute la multiplication des informations invérifiables et la discrétion des ONG occidentales face à l'ampleur de la répression.
Le commandant de l'AFRICOM à Brazzaville
Le commandant militaire américain pour l’Afrique (AFRICOM), le général Carter F. Ham a été reçu jeudi 12 juillet par le président Denis Sassou N’Guesso à Brazzaville.
Les gardes côtes américains assistent le Congo dans la mise en œuvre des dispositions du Code international sur la sureté des navires et des installations portuaires (Code ISPS).
Denis Sassous-Nguesso, au pouvoir depuis plus de 25 ans (il est revenu au pouvoir après un coup d'Etat en 1997 au terme d'une éclipse de 5 ans, avec l'aide d'Elf et la bénédiction des grands médias occidentaux malgré les massacres commis), et une des principales fortunes d'Afrique en raison notamment de sa mainmise sur pétrole du Congo et des sociétés contrôlées par sa famille est la cible depuis 2007, comme le président de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang et Omar Bongo Odimba du Gabon d'une offensive judiciaire en France dans le cadre d'une affaire dite des "bien mal acquis" menée par Me William Bourdon avocat, à travers son association Sherpa, financée notamment par l’Open Society Institute du spéculateur George Soros qui dispose de nombreux actifs en Afrique et la faction française de l’ONG Transparency International financée notamment par le gouvernement britannique, les pétroliers Exxon, Shell et BP.
Mais le président congolais, qui rivalise avec son homoogue camerounais pour prendre le leadership de la Françafrique laissé vacant par le décès du gabonais Omar Bongo, a su conserver une image positive à Washington auprès des démocrates pourtant devenus méfiants à l'égard des autocrates africains. Il a investi pour ce faire beaucoup d'argent auprès de lobbying comme Trout Cacheris, GrayLoeffler, Private Public Solutions, Chlopak, Leonard, Schechter and Associates pour agir non seulement contre les fonds vautours (des fonds d’investissement spéculatifs qui tiennent leur surnom de leurs pratiques qui consistent à racheter à très bas prix des parts de la dette de pays du Sud et d’intenter ensuite des procès contre ces pays afin d’obtenir le paiement intégral de la valeur faciale des créances, intérêts compris) mais aussi pour se donner une image de champion de la lutte contre le réchauffement climatique et se poser en gardien des ressources du bassin du fleuve Congo. Il s'est rendu en fin septembre 2009 au sommet de la Conservation Caucus Foundation à Washington (qui regoupe de sénateurs et représentats démocrates et républicains) pour demander aux Etats-Unis de financer la conservation du patimoine naturel du bassin (où deux tiers de la forêt est menacé à l'horizon 2040), alors même que la Fondation Heinrich Böll la même année l'a accusé d'avoir accepté un projet d'exploitation de sables bitumineux par ENI qui menace directement la forêt et que la production de grumes a été mulipliée par 5 en 10 ans, au profit de multinationales dans le cadre de contrat léonins, voire de la propre fille du président. Cette image environnementaliste a été à nouveau orchestrée au sommet Rio+20 le 20 juin dernier.
Malgré des désaccords passagers (le soutien de Sassou Nguesso à Kadhafi en 2011, son hostilité persistante au régime de Kagame au Rwanda et à Joseph Kabila qu'il accuse de travailler secrètement pour Kagame) l'alliance américano-congolaise paraît donc rester au beau fixe. Il s'agit peut-être aussi là d'un effet de compensation de la relative froideur du président français François Hollande qui, après avoir dénoncé pendant la campagne présidentielle l'accueil du président congolais par M. Sarkozy, aurait ostensiblement refusé une visite de M. Sassou Nguesso à Paris le mois dernier, préférant s'afficher aux côtés du président du Gabon (auquel il avait déjà envoyé une émissaire avant son élection)...
Egypte : le nouveau président dépendant de l'aide saoudienne
Le 11 juillet le nouveau président égyptien issu des rangs des Frères musulmans Mohamed Morsi a réservé sa première visite à l'étranger à l'Arabie Saoudite où il a rencontré le prince Salman ibn Abdel-Aziz .
Cette visite intervient alors que M. Morsi venait d'engager une épreuve de force avec l'armée en réunissant le parlement officiellement dissous par la Haute Cour constitutionnelle, celle-ci ayant finalement hier suspendu la décision du président.
Selon l'essayiste David P Goldman, l'Egypte très endettée ne tient financièrement en ce moment que grâce aux prêts de l'Arabie saoudite. Si celle-ci suspend son aide, l'économie s'effondre. Or Ryad est en de mauvais termes avec les Frères musulmans du Caire (lesquels ont d'ailleurs effectué des gestes en direction de l'Iran) et soutient les militaires. En revanche l'administration Obama, qui avait pris contact avec les Frères musulmans en décembre dernier, soutiendraient tacitement Morsi. Selon Jackson Diehl dans le Washington Post du 8 juillet Hillary Clinton et Leon Panetta auraient fortement fait pression sur les militaires pour qu'ils reconnaissent fin juin la victoire électorale de Morsi, mais cela aurait rendu furieux aussi bien les généraux que les Israéliens (qui redoutent la montée en puissance des islamistes). Mais le tandem Morsi-Obama est sérieusement handicapé, dans cette épreuve de force par la crise économique persistante
Certes il y a aussi le Qatar qui, pour sa part, soutient ouvertement Morsi. Il a promis un investissement de 10 millions de dollars en Egypte et la chaîne Al -Jazeera a fait compagne pour le candidat des Frères musulmans. En outre selon la chaîne du Hezbollah libanais Al Manar, la "Banque pour le développement et l'agriculture" aurait vendu des millions d'hectares à une association qatarie, plaçant ainsi des milliers de paysans égyptiens sous la dépendance directe de ce pays. Toutefois cette information est des plus imprécises. Le prénom du Dr Barghach signalé comme membre du Conseil consultatif (parlement) source de l'information n'est pas mentionné, de sorte que l'on ne trouve aucun élément sur lui sur Internet. La banque en cause est peut être la "Principal Bank for development and agriculture" mais même avec cet intitulé, il n'y a aucun moyen de recouper cette information.
Mais quoi qu'il en soit, l'aide du Qatar qui se chiffre en millions (alors que celle des Saoudiens est évaluée en milliards) ne peut couvrir le besoin de financement de l'économie égyptienne évalué à 20 milliards de dollars par an. Il est donc probable que la dépendance financière de Morsi à l'égard de Ryad joue un rôle modérateur dans son conflit avec les militaires dans les mois qui viennent.
Libye : élections, tortures et business
Au lendemain des élections législatives en Libye, les grands médias occidentaux soucieux de cautionner le nouveau régime politique imposé par l'OTAN ont annoncé la victoire des libéraux de l'Alliance des forces nationales, sous la houlette de Mahmoud Jibril, face aux Frères Musulmans du Parti pour la justice et le développement de Mohamed Sawan dans les grandes villes, et l'échec des autonomistes de Benghazi, mécontents de la répartition des sièges à l'assemblée constituante à faire échouer la tenue du scrutin (ils avaient détruit le bureau de la commission électorale à Adjdabia et ordonné la fermeture des entreprises de raffinage de pétrole de Syrte).
Les Frères musulmans paieraient ainsi le prix de leur proximité avec Seif-el-Islam Kadhafi (actuellement détenu à Zeitan) après qu'il eût fait libérer 150 d'entre eux en 2003 (ils avaient boycotté la conférence de l'opposition à Londres en 2005 appelant au renversement du régime) ainsi que leurs liens trop visibles avec le Qatar. Toutefois l'avance de Jibril, candidat des Occidentaux, président du Conseil national de transition et ancien patron des réformes économiques sous Kadhafi, est toute relative. En outre 80 des 200 sièges de l'assemblée constituante seulement sont attribués aux partis politiques, les autres des "indépendants". Ce montage a été suggéré par les "spin doctors" américains logés à l'hôtel Rixos en vue de marginaliser les Frères musulmans et les salafistes comme Abdelhakim Belhadj, et devrait conduire de toute façon à un gouvernement d'union nationale entre islamistes et libéraux en vue de l'élaboration d'une constitution qui débouchera seulement en 2013 sur l'élction d'une assemblée législative définitive.
Ce que les médias occidentaux oublient de dire, c'est que, comme en Irak en 2004, ou en Haïti sous l'occupation de l'ONU, les élections sous le nouveau régime ne sont pas démocratiques puisque tous les courants d'expression ne sont pas libres de concourir au scrutin (notamment les partisans de l'ancien régime) et que le règne des milices compromet la liberté d'expression et de pensée.
Début juillet Amnesty International a publié un rapport d'enquête sur des faits des mois de mai et juin dernier intitulé « Libya: rule of law or rule of militias ? » (Libye règne de la loi ou règne des milices ?).
Le rapport cite notamment le cas de Hasna Shaeeb (Chahib, en retranscription française), une femme de 31 ans, enlevée à son domicile de Tripoli en octobre dernier par des hommes en tenue militaire et transférée à l'ancien Bureau du fonds de dotation islamique dans la capitale. Elle a été accusée d'avoir été une loyaliste pro-Kadhafi et un sniper. On l'a faite s'asseoir sur une chaise avec ses mains menottées dans le dos et elle a reçu des décharges électriques à sa jambe droite, aux parties intimes et la tête. Les gardes a menacé d'introduire sa mère dans la cellule et de la violer, et ont versé de l'urine sur elle.
Nouvel échec de la gauche anti-libérale au Mexique
Après avoir manqué de peu la présidence de la République en 2006 (à l'époque dans un contexte de soupçon de fraude au profit du candidat de droite), le candidat antilibéral Andrés Manuel López Obrador s'incline cette foi-ci face à un candidat médiatique du Parti révolutionnaire institutionnel (membre de l'internationale socialiste comme M. Hollande et MM.Papandréou, Ben Ali et Moubarak, au pouvoir au Mexique de 1928 à 2000), Enrique Peña Nieto. Son homologue candidat aux présidentielles de la gauche antilbérale française résume sur son blog en ces termes les raisons qui ont pu conduire à ce nouvel échec : "Andrés Manuel López Obrador, a été l’objet d’une campagne systématique de dénigrement et de calomnies par les chaînes de télévision et la grande presse. Son extrémisme populiste, son caractère agressif, ses goûts politiques dangereux, son amitié pour Chavez et Cuba ont été abondamment et méthodiquement dénoncés.(...)Des milliers de « porte-monnaie électroniques » ont été distribués dans certaines circonscriptions et ne seront activés qu’après les élections en cas de victoire. Par exemple des cartes de crédit pour achats dans la chaîne de supermarchés Soriana. De même la distribution de denrées alimentaires ou de matériaux de construction en échange du vote est une pratique courante, désormais parfaitement documentée sur Facebook et Youtube."
López Obrador a annoncé qu'il contestera le résultat devant le tribunal électoral, mais il paraît assez isolé : aucune des grandes voix de sa mouvance - Marcelo Ebrard, actuel maire modéré du district fédéral de Mexico et dauphin naturel d'Obrador, Cuauthémoc Cárdenas, ancien candidat à la présidence, Juan Ramón de la Fuente, une autorité morale reconnue - n'ont soutenu cette initiative. Seul le mouvement étudiant #yosoy132 équivalent des "Indignés" le suit encore. Le coup de la défaite est rude pour son parti le Parti de la révolution démocratique, car après des années de règne de la droite et du PRI une occasion immense lui était offerte d'arriver au pouvoir.
Dans une interview au Washington Post jeudi le nouveau président a déclaré qu'il augmentera la coopération avec les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre les cartels de la drogue (responsables de la mort de 60 000 personnes sous le mandat de son prédécesseur), mais refusera la présence d'agents de Washington sur le territoire mexicain. Il continuera cependant à accueillir des instructeurs étatsuniens pour bénéficier de leur expérience dans le domaine de la lutte contre les guérillas en Irak et en Afghanistan, validera la poursuite des vols de drones à des fins de recueillir des informations mais sous la direction du gouvernement mexicain et non de l'administration Obama, et refusera de participer à des exercices conjoints avec les Etats-Unis en Colombie. Cependant Enrique Peña Nieto a annoncé qu'il prendra comme premier conseiller en matière de sécurité le général colombien Oscar Naranjo, ce qui a notamment provoqué la colère des parents des quatre jeunes mexicains civils tués dans le bombardement par le gouvernement de la base arrière de la guérilla des FARC en Equateur en 2008. Naranjo est sous le coup d'un mandat d'arrêt en Equateur depuis novembre 2011 pour l'action illégale de la Colombie dans ce pays et le meurtre d'un ressortissant équatorien au cours de cette opération.
Sur le plan économique Enrique Peña Nieto s'est entouré de diplômés des universités étatsuniennes. Il est signataire avec la droite d'un pacte avec l'équivalent mexicain du MEDEF, et défend, à côté des investissements dans les infrastructures, un agenda néo-libéral : maintien de l'indépendance de la banque centrale, "flexibilisation" du marché du travail (remise en cause des droits sociaux), et privatisation partielle du secteur pétrolier (jusqu'ici freiné par le poids des anti-libéraux aux Parlement, où une majorité qualifiée est requise pour ce type de mesure).
Le Pakistan se rapproche de la Russie
Début juin le représentant de Vladimir Poutine Zamir Koubolov était en visite au Pkistan où il rencontrait la ministre des affaires étrangères Hina Rabbani Khar peu de temps après la visite à Islamabad du ministre des affaires étrangères chinois. Cette rencontre avait pour but de rapprocher les points de vue des deux pays sur la guerre en Afghanistan, mais aussi de préparer une coopération russo-pakistanaise en matière énergétique alors qu'Islamabad vit dans la pénurie récurrente d'électricité. Depuis 2006 Gazprom rêve de construire un gazoduc Iran-Pakistan-Inde et la Russie souhaiterait intégrer le Pakistan dans l'Organisation de coopération de Shanghaï pour créer une coordination énergétique entre les exportateurs (Iran-Russie-Asie centrale) et les trois grands consommateurs (Chine-Inde-Pakistan), un schéma auquel toutefois le Turkéménistan (important exportateur) hésite à adhérer.
Moscou aurait donc proposé au Pakistan une aide énergétique et une participation dans deux projets de gazoducs TAPI (Turkmenistan-Afghanistan-Pakistan-Inde) et IP [Iran-Pakistan], de préférence négociés au niveau gouvernemental plutôt que par appel d'offre. La visite de Vladimir Poutine prévue pour septembre prochain (première visite d'un président russe dans ce pays depuis sa création) pourrait marquer une progression de l'entente russo-pakistanaise sur ces dossiers.
Selon l'ancien diplomate indien M. K. Bhadrakumar , l'adhésion du Pakistan à cette stratégie eurasiatique serait catastrophique pour Washington car elle exclurait définitivement les Etats-Unis de l'Asie centrale (et ce d'autant plus que l'Inde esquisse un rapprochement avec la Chine dans le domaine de l'énergie).
Mais l'alliance énergétique n'est pas le seul ciment de la nouvelle amitié russo-pakistanaise. Il y a aussi la menace talibane. A partir du retrait américain d'Afghanistan en 2014, les islamistes sont susceptibles de créer un Etat qui couvrira tout ou partie de l'Afghanistan et d'attaquer les Républiques d'Asie centrale ex-soviétiques. Ils pourraient aussi être tentés de tourner leurs ambitions vers le Pakistan en partie peuplé de Pachtounes sympathisants de leur cause, ce qui crée un intérêt entre Ismabad et Moscou pour une stratégie commune d'endiguement.
Si après les excuses bien tardives d'Hillary Clinton le 3 juillet pour les 24 soldats pakistanais tués dans des attaques de drones US, le gouvernement Zardari a accepté de réouvrir la voie d'approvisionnement des troupe de l'OTAN en Afghanistan, la tendance de long terme semble bien être celle de l'éloignement entre le Pakistan et les Etats-Unis.
Zimbabwe : le gouvernement d'unité nationale à l'épreuve de l' "indigénéisation"
La conférence de Genève sur la Syrie du 1er juillet a abouti à une proposition qui rappelle la formule de réconciliation appliquée depuis quelques années (sous les auspices de l'Afrique du Sud) au Zimbabwe : faire cohabiter dans un gouvernement d'unité nationale l'opposition soutenue par les Occidentaux et le parti du président sortant - avec toutefois une ambiguïté d'interprétation entre la France et la Russie sur la question de savoir si ledit président doit ou non quitter le pouvoir, ambiguïté qui n'existe pas au Zimbabwe.
Au même moment, au Zimbabwe, la "cohabitation" entre pro-occidentaux (Mouvement pour le changement démocratique - MDC) et anti-impérialistes pro-Mugabe (ZANU-PF) est mise à rude épreuve par un projet de nationalisation des banques lancé par l'entourage du président Mugabe.
En 2007 une loi d’indigénisation et de l’émancipation économique a été votée. En application de cette loi, le ministre zimbabwéen de l’indigénisation Saviour Kasukuwere a lancé début juin une enquête pour voir si les banques britanniques Barclays et Standard Chartered (qui forment l'essentiel du dispositif bancaire zimbabwéen avec la sud-africaine Stanbic répondaient aux critères "d'indigénéisation" c'est à dire que 51 % des actifs au Zimbabwe soient contrôlées par des Noirs du pays.
Saviour Kasukuwere, 42 ans, est un fidèle de Mugabe, membre du Politburo de son parti la ZANU depuis 2001, mais aussi PDG de grosses entreprises (ce qui nourrit des soupçons sur les buts de son action politique). Aux côtés du président du conseil de l'appropriation economique et de l'indigénéisation nationale (National Indigenisation and Economic Empowerment Board) David Chapfika, il mène le combat de l'indigénéisation dans divers secteurs, y compris les mines et l'agro-alimentaire, un projet qui devrait selon eux créer 5 millions d'emplois en 10 ans, permettre la constructions d'infrastructures de santé et de transport et profiter aux communautés riveraines des mines. En ce qui concerne le secteur bancaire, Kasukuwere s'était déjà confronté l'été dernier, au gouverneur de la banque centrale Gideon Gono (inculpé pour corruption et sabotage de l'économie). Il a aussi contre lui ministre des finances Tendai Biti (membre du Mouvement pour le changement démocratique, actuellement sous le coup d'une enquête de police pour le détournement de 20 millions de dollars d'aide du FMI) et le premier ministre pro-occidental Morgan Tsvangirai qui au printemps dernier s'est opposé au projet de Kasukuwere de nationaliser toutes les grandes entreprises qui ne vendraient pas leurs actions à des jeunes Noirs. Parallèlement des banques,notamment la Stanbic, ont été obligées de créer des fonds d'aide à la jeunesse.
Mardi dernier (3 juillet) le journal officiel du Zimbabwe a publié un ultimatum laissant un an aux grandes banques étrangères pour céder 51 % de leurs actifs à des Noirs du pays sous peine de nationalisation. Les milieux financiers voient dans cette menace l'équivalent de la campagne de confiscation des terres des grands propriétaires menée par Mugabe au début des années 2000. La montée au créneau des ministres du MDC contre Saviour Kasukuwere et David Chapfika pourrait constituer, comme l'an dernier, une première ligne de défense pour les banquiers (avant une éventuelle ingérence extérieure), et ce alors qu'un nouveau projet de constitution est à l'étude. Le MDC a déjà dénoncé le risque de voir les investisseurs étrangers se détourner du Zimbabwe et accusé Kasukuwere et Chapfika de vouloir faire main basse sur l'économie pour leur propre compte ou celui des clients de la ZANU.
Le Mali dans la spirale des ingérences
Samedi 30 juin, sept des seize mausolées de Tombouctou, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, ont été détruits par les Wahhabites, puis les destructions se sont poursuivies dansles jours qui ont suivi, puis le 2 juillet ce sont les mosquées de la ville qui ont été prises pour cibles. Les Occidentaux craignent qu’ils ne s’en prennent désormais aux dizaines de milliers de manuscrits de la ville dont certains remontent au Moyen-Age. Ces textes rédigés en arabe ou en peul sur des omoplates de chameaux, des peaux de moutons ou de l’écorce, ces textes traitent de théologie, d’histoire, de géographie, d’astronomie, de musique, de littérature, de botanique, de généalogie, d’anatomie (des manuscrits qui avaient déjà été largement négligés par la soi disant communauté internationale qui n'a débloqué des fonds pour leur conservation que le 3 juillet dernier - cf l'Express).
Ces exactions s'ajoutent aux nombreux assassinats, pillages et viols commis dans la région depuis six mois. Elles s'insèrent dans un plan d'instauration d'un Islam rigoriste au Nord Mali qui était resté jusque là étranger à la culture salafiste.
A Tombouctou, le responsable des destructions est Sanda Ould Boumama, narco-trafiquant proche de l'AQMI (Al Qaida Maghreb), présenté à tort par les agences occidentales selon des sources locales comme un porte parole de Ansar Dine. A Gao, la ville a été prise le 27 juin par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO). Le MUJAO considéré comme dissident de l'AQMI est un mouvement mauritanien qui a notamment enlevé quatre personnes à Tindouf en 2011. Il protège dans ses rangs des membres du Croissant rouge du Qatar qui contribuent ainsi à légitimer son action à Gao... (sur les relations entre le Qatar et le gouvernement français de M. Hollande voir Le Parisien du 23 juin dernier).
La ministre malienne de la culture en visite à St Petersbourg s'est prononcée pour une intervention de l'ONU en faveur de la sauvegarde du patrimoine culturel de son pays, et le Maroc fait pression pour une action en ce sens des pays islamiques. L'Algérie jusqu'ici sur une ligne de non-ingérence a reçu diverses demandes d'intervention militaire du gouvernement malien.
Tandis que le Niger (pourtant hostile à la présence de bases françaises sur son sol) fait pression sur la France pour intervenir militairement, les Etats-Unis pour leur part ont déconseillé à la CEDEAO de le faire estimant que le contingent de 3 300 hommes prévu pour intervenir au Mali devrait rester dans la partie sud du pays. Le ministre des affaires étrangères français M. Fabius hier s'est dit confiant qu'une résolution du conseil de sécurité de l'ONU autoriserait prochainement l'usage de la force au Nord Mali (alors que celui-ci début juin encore jouait la carte de l'attentisme). Mais en Afrique des voix comme celle du président guinéen Alpha Conde estiment qu'un envoi de troupes au nord du pays ne serait légitime que si elle était sollicitée par un gouvernement d'union nationale malien, qui n'existe pas en ce moment (du fait notamment ds tergiversations de a CEDEAO sur le sujet).
Les effets secondaires de l'intervention militaire des Occidentaux en Libye en 2011 qui ont contribué à transformer l'Ouest africain en un nouvel Afghanistan semble vouer la région à la spirale des interventions extérieures incessantes.