Elections législatives en Egypte : la démocratie toujours bâillonnée
Le 28 novembre 40 millions d'électeurs égyptiens, étaient appelés renouveler l'Assemblée du peuple qui compte 518 sièges. Le second tour a été organisé le 5 décembre.
La confrérie des frères musulmans (88 sièges dans l'assemblée sortante), officiellement interdite mais tolérée dans les faits, soutenait 130 candidats se présentant comme "indépendants". La presse et des observateurs indépendants ont fait état de très nombreux cas de fraude et violences en tous genres lors du premier tour. Près de 600 membres des Frères musulmans ont été arrêtés pendant la campagne.
Le parti libéral Wafd qui présentait 176 candidats et faisait confiance à la volonté d'ouverture du président Moubarak s'est retiré du second tour, tout comme les Frères musulmans, devant l'ampleur des violences et des fraudes.
Malgré des appels au boycott de l'association nationale pour le changement de Mohamed El Baradei ex responsable de l'Agence internationale de l'énergie atomique, la plupart des partis, y compris des partis de gauche commeTagammu ou le parti nassériste (dans un contexte de fortes divisions internes) avaient tenu à faire entendre leur voix.
L'organisation américaine Human Rights Watch a pour sa part dénoncé les conditions dans lesquelles le scrutin s'est tenu."L'exclusion répétée de représentants de l'opposition et d'observateurs des bureaux de vote, de même que les informations faisant état de violence et de fraude, suggèrent que les citoyens n'ont pas pu prendre part à des élections libres", explique un communiqué du responsable de HRW, Joe Stork.
Le parti présidentiel NDP est membre de l'internationale socialiste. Le représentant du département d'Etat étatsunien P.J. Crowley a reconnu que des doutes existaient sur la régularité de ces élections mais a affirmé que Washington continuera à travailler au développement économique de l'Egypte. Washington n'a même pas pu imposer la présence d'observateurs internationaux lors de ces élections.
L'Egypte reste le principal verrou de la domination étatsunienne au Proche-Orient.
FD
L'impasse de l'ingérence internationale à Haïti
Le brésilien Ricardo Seitenfus, diplômé de l’Institut de hautes études internationales de Genève, représentant de l'Organisation d'États Américains (OEA) à Haïti a été destitué le lundi 27 décembre pour avoir critiqué la gestion de l'Organisation de Nations Unies (ONU) dans ce pays dans le journal suisse Le Temps du 20 décembre 2010.
Seitenfus avait déclaré: "Le système de prévention des litiges dans le cadre du système onusien n’est pas adapté au contexte haïtien. Haïti n’est pas une menace internationale. Nous ne sommes pas en situation de guerre civile. Haïti n’est ni l’Irak ni l’Afghanistan. Et pourtant le Conseil de sécurité, puisqu’il manque d’alternative, a imposé des Casques bleus depuis 2004, après le départ du président Aristide. Depuis 1990, nous en sommes ici à notre huitième mission onusienne. Haïti vit, depuis 1986 et le départ de Jean-Claude Duvalier, ce que j’appelle un conflit de basse intensité. Nous sommes confrontés à des luttes pour le pouvoir entre des acteurs politiques qui ne respectent pas le jeu démocratique. Mais il me semble que Haïti, sur la scène internationale, paie essentiellement sa grande proximité avec les Etats-Unis. Haïti a été l’objet d’une attention négative de la part du système international. Il s’agissait pour l’ONU de geler le pouvoir et de transformer les Haïtiens en prisonniers de leur propre île. L’angoisse des boat people explique pour beaucoup les décisions de l’international vis-à-vis d’Haïti. On veut à tout prix qu’ils restent chez eux."
Le dipomate brésilien avait ajouté : "Aujourd’hui, l’ONU applique aveuglément le chapitre 7 de sa charte, elle déploie ses troupes pour imposer son opération de paix. On ne résout rien, on empire. On veut faire de Haïti un pays capitaliste, une plate-forme d’exportation pour le marché américain. C’est absurde. Haïti doit revenir à ce qu’il est, c’est-à-dire un pays essentiellement agricole encore fondamentalement imprégné de droit coutumier. Le pays est sans cesse décrit sous l’angle de sa violence. Mais, sans Etat, le niveau de violence n’atteint pourtant qu’une fraction de celle des pays d’Amérique latine.(...) Quand le taux de chômage atteint 80 %, il est insupportable de déployer une mission de stabilisation. Il n’y a rien à stabiliser et tout à bâtir. (..) Il faut construire des routes, élever des barrages, participer à l’organisation de l’Etat, au système judiciaire. L’ONU dit qu’elle n’a pas de mandat pour cela. Son mandat en Haïti, c’est de maintenir la paix du cimetière"
Et à propos des ONG et de l'aide internationale, on relèvera ses propos : " Il existe une relation maléfique ou perverse entre la force des ONG et la faiblesse de l’Etat haïtien. Certaines ONG n’existent qu’à cause du malheur haïtien (...) Face à l’importation massive de biens de consommation pour nourrir les sans-abri, la situation de l’agriculture haïtienne s’est encore péjorée. Le pays offre un champ libre à toutes les expériences humanitaires. Il est inacceptable du point de vue moral de considérer Haïti comme un laboratoire. La reconstruction de Haïti et la promesse que nous faisons miroiter de 11 milliards de dollars attisent les convoitises. Il semble qu’une foule de gens viennent en Haïti, non pas pour Haïti, mais pour faire des affaires. (...) Il faut aller vers la culture haïtienne, il faut aller vers le terroir. Je crois qu’il y a trop de médecins au chevet du malade et la majorité de ces médecins sont des économistes. Or, en Haïti, il faut des anthropologues, des sociologues, des historiens, des politologues et même des théologiens. Haïti est trop complexe pour des gens qui sont pressés. Les coopérants sont pressés. Personne ne prend le temps ni n’a le goût de tenter de comprendre ce que je pourrais appeler l’âme haïtienne. Les Haïtiens l’ont bien saisi, qui nous considèrent, nous la communauté internationale, comme une vache à traire. Ils veulent tirer profit de cette présence et ils le font avec une maestria extraordinaire. Si les Haïtiens nous considèrent seulement par l’argent que nous apportons, c’est parce que nous nous sommes présentés comme cela (...) Pour rester ici, et ne pas être terrassé par ce que je vois, j’ai dû me créer un certain nombre de défenses psychologiques. Je voulais rester une voix indépendante, malgré le poids de l’organisation que je représente. J’ai tenu parce que je voulais exprimer mes doutes profonds et dire au monde que cela suffit. Cela suffit de jouer avec Haïti. Le 12 janvier 2010 m’a appris qu’il existe un potentiel de solidarité extraordinaire dans le monde. Même s’il ne faut pas oublier que, dans les premiers jours, ce sont les Haïtiens tout seuls, les mains nues, qui ont tenté de sauver leurs proches. La compassion a été très importante dans l’urgence. Mais la charité ne peut pas être le moteur des relations internationales. Ce sont l’autonomie, la souveraineté, le commerce équitable, le respect d’autrui qui devraient l’être. Nous devons penser simultanément à offrir des opportunités d’exportation pour Haïti, mais aussi protéger cette agriculture familiale qui est essentielle pour le pays."
Haïti demeure toujours dans le plus grand dénuement économique et stagne dans une impasse politique. Après l'organisation d'élections présidentielles le 28 novembre dernier pour respecter les exigences de la communauté internationale malgré la destruction de son appareil d'Etat par le tremblement de terre de janvier 2010, le collège électoral a décidé de suspendre la publication du résultat du premier tour à la demande du président sortant René Préval (beau-père du candidat arrivé second... et qu'on soupçonne d'avoir bénéficié de fraudes) et de l'Organisation des Etats Américains (OEA) - cf Le Post. Préval, qui lui-même a été "réélu" en 2006 après une répartion arbitraire des bulletins blancs par l'ONU sans second tour, a rejeté la demande de l'opposition qui réclame l'annulation de la mascarade électorale de novembre et l'instauration d'un nouveau gouvernement provisoire le 7 février 2011 (date constitutionnelle) pour organiser des élections transparentes. De sérieux doutes sur la légitimité de ces élections planent depuis plusieurs mois. La commission électorale à la demande des Etats-Unis en a exclu le principal parti qui avait gagné toutes les élections précédentes, Fanmi Lavalas de JB Aristide - Mark Weisbrot dans le Guardian du 1er décembre jugeait le degré de pluralisme de ces élections comparable à celui de celles du Myanmar...
F. Delorca
Côte d'Ivoire : pressions occidentales sur le président sortant
Alors que les dernières élections tenues dans des conditions suspectes au Burkina et en Guinée ont renforcé les partisans de la Françafrique, Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire a refusé de reconnaître la victoire du candidat de Nicolas Sarkozy Alassane Ouattara. Le conseil constitutionnel a attribué à Laurent Gbagbo 51,45 % aux élections 28 novembre.
Selon Dedy Seri, sociologue, membre de la coordination des intellectuels africains et des diasporas, et responsable de la doctrine au sein du Front populaire ivoirien (FPI) - le parti présidentiel -, des électeurs ont été empêchés de voter dans le nord du pays. Les votes à Paris ont été invalidés dans 28 bureaux à cause de troubles dans 8 bureaux, ce qui a contribué à compliquer le calcul des résultats. Le 1er décembre au soir, alors que les résultats n'étaient toujours pas connus Youssouf Bakayoko, le président de la commission électorale indépendante CEI (qui comprendrait un majorité de membres du RHDP et du Rassemblement des républicains) aurait subi de fortes pressions à quelques minutes de la forclusion de son mandat, c'est à dire juste avant que celle-ci soit légalement dessaisie au profit du conseil constitutionnel, ce qui l'aurait même conduit à tenter de proclamer des résultats dans des conditions douteuses. Puis le lendemain Bakayoko aurait été pris en otage à l'Hôtel du Golf, siège de l'opposant Ouattara,pour proclamer l'élection de celui-ci, au delà de la forclusion, alors que seul seul le conseil constitutionnel était désormais habilité à publier les résultats (cf la vidéo, la version des faits relatée là est différente de la présentation par Wikipedia et les médias dominants).
On notera d'ailleurs que le 8 décembre au conseil de sécurité de l'ONU (présidé par le Gabon ami de la France), la Russie a émis des doutes sur les conditions de la proclamation de la victoire de M Ouattara et sur la méthode de vérification adoptée par l'émissaire de l'ONU Choi Young-jin sur 20 000 procès verbaux.
Les deux candidats ont prêté serment le 4 décembre 2010, chacun de son côté, comme présidents de la Côte d'Ivoire. Dans les jours qui ont suivi, des violences ont éclaté entre les partisans de Laurent Gbagbo et ceux d'Alassane Ouattara, causant la mort de plus de 50 personnes selon l'ONU. Les Etats-Unis, l'Union européenne, l'ONU et la France ont menacé M. Gbagbo de sanctions. L'Union européenne a adopté un premier train de sanctions le 17 décembre.
Le quotidien ivoirien pro-Gbagbo Notre Voie du 9 décembre accusait l'Elysée de préparer l'assassinat de Laurent Gbagbo, tandis que, dans le quotidien burkinabe "Le Pays", du 16 décembre, l'avocat Me Vergès dénonçait l'ingérence française dans le processus électoral ivoirien. En réactions aux menaces formulées par Nicolas Sarkozy, le ministre de la Jeunesse, de l'Emploi et de la Formation professionnelle Charles Blé Goudé, a battu le rappel des troupes. Il a cependant souligné qu'il n'incitera pas ses partisans à s'attaquer aux forces internationales présentes dans le pays afin de ne pas donner à la France de prétexte pour intervenir militairement contre les patriotes ivoiriens. Gbagbo lui-même a exigé le départ des casques bleus et des forces françaises de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire.
Après l'échec de sa médiation le 17 décembre le président de la commission de l'Union africaine, le gabonais Jean Ping s'est envolé directement pour Alger afin de discuter avec le président Abdelaziz Bouteflika de la mise en place d'une éventuelle force d'intervention de l'UA en Côte d'Ivoire. Les pays africains sont divisés : certains, le Nigeria en tête, voudraient une intervention militaire pour déloger Gbagbo du pouvoir, d'autres, comme l'Algérie, préfèreraint encore privilégier une solution diplomatique.
Le président de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick, a lancé un appel à Laurent Gbagbo, dimanche 19 décembre au soir à Bamako, pour qu'il accepte les résultats de l'élection présidentielle ivoirienne et "remette le pouvoir au gagnant". Le même jour place de la République à Paris des affrontements entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara ont fait deux blessés. Parmi les personnalités françaises Henri Emmanuelli semble être parmi les derniers à défendre le point de vue de Laurent Gbagbo, alors que le Parti socialiste, autrefois ami du FPI, s'est progressivement rallié au point de vue majoritaire.
La montée de l'Extrême droite en Europe de l'Est
Voici l'intégralité de l'article de Frédéric Delorca, publié en deux parties dans les numéros de décembre 2010 et janvier 2011 de la revue de l'Association Républicaine des Anciens Combattants "Le Réveil des combattants".
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La montée de l’Extrême droite en Europe de l’Est
Les échauffourées qui ont accompagné le match Italie-Serbie à Gênes le 12 octobre au soir, deux jours seulement après les émeutes provoquées par les ultranationalistes en marge de la Gay Pride du 10 octobre à Belgrade (émeutes qui ont fait plus d’une centaine de blessés, essentiellement des policiers serbes) sont venues rappelé combien le mélange détonnant d’hooliganisme, de machisme homophobe et de nationalisme exacerbé se porte aujourd’hui bien en Europe de l’Est, sous le discours lénifiant pro-européiste de la plupart des gouvernements. Plus généralement c’est dans l’ensemble de l’ex-Europe de l’Est que ressurgissent aujourd’hui les passions nationalistes, la xénophobie et les vieilles nostalgies des années 30-40, un phénomène qui n’est pas complètement nouveau (on l’avait constaté déjà avec l’effondrement des régimes soviétique dans les années 1990), et qui a trouvé un regain de vigueur sous la férule des dogmes néo-libéraux.
Les Balkans occidentaux
Le cas serbe est évidemment spectaculaire. Ce n’est sans doute pas dans tous les pays que l’extrême droite peut mobiliser 6 000 casseurs pour affronter 5 000 policiers et les conduire à saccager le siège de deux grands partis politique - le Parti démocrate et le Parti socialiste (l’ancien parti de Milosevic devenu pro-européiste). A Zagreb en Croatie, et à Sofia en Bulgarie, ou encore dans l’habituellement très sage Estonie en 2006, les homophobes extrémistes n’étaient qu’une poignée pour tenter de contrecarrer les différentes gay pride au cours des cinq dernières années.
Sans doute la Serbie est elle aujourd’hui le pays des Balkans où l’extrême droite est la plus puissante. Le parti radical d’extrême droite n’a jamais recueilli moins d’un tiers des voix depuis la chute de Slobodan Milosevic. Aux élection présidentielles de février 2008, son candidat Tomislav Nikolic a même recueilli plus de 47 % des voix au second tour (dans un scrutin disputé où a participation a dépassé les 60 %). Et rien n’indique que la récente scission au sein de sa direction doive le vouer au déclin.
La Serbie paie ici les conséquences de sa diabolisation auprès des pas occidentaux, malgré sa capitulation inconditionnelle sur tous les dossiers (à l’exception de celui de la reconnaissance du Kosovo). Le pays a largement perdu sa souveraineté. Le cadre institutionnel, qui a liquidé la République fédérale de Yougoslave, est issu d’une « révolution colorée » téléguidée depuis Washington (la première du genre) en octobre 2000. Belgrade a été sommé d’extrader vers le très douteux tribunal international pour les crimes de guerres en ex-Yougoslavie quatre de ses généraux et un amiral. Sur le plan économique le pays a privatisé les fleurons de son économie, et l’ancien quartier populaire fief de la gauche dans la capitale « Nouveau Belgrade » est le paradis des grandes banques occidentales.
Les récompenses reçues pour l’alignement humiliant de la Serbie ont été des plus minces : l’adhésion à l’Union européenne promise par certains a été sans cesse retardée. Dans un premier temps il était reproché à Belgrade de ne pas fournir suffisamment d’efforts pour retrouver le général bosno-serbe Mladic accusé de crime contre l’humanité à Srebenica. Aujourd’hui la procédure d’adhésion est bloquée… par les Pays-Bas, alors qu’elle avait été promise en septembre par le grands pays de l’Union en échange du renoncement de la Serbie à la présentation devant l’assemblée générale des Nations-Unies (où elle compte de nombreux soutiens) d’une motion dénonçant la reconnaissance unilatérale du Kosovo. Par ailleurs le pays reste menacé par divers irrédentismes au Sanjak et en Voïvodine.
Dans ce contexte, et alors qu’à gauche le parti socialiste (dont le président Milosevic est mort à la Haye dans des conditions étranges, peut-être épuisé par le rythme d’un procès qui échouait à démontrer la véracité des charges portée contre lui) s’est piteusement rallié aux européiste, le parti radical peut capitaliser sur son image de parti « anti-impérialiste » pro-russe, dont le leader est incarcéré à La Haye et qui se réclame d’une longue tradition remontant à son homonyme fondé en 1881 (à l’époque de la lutte contre l’Autriche-Hongrie), et de la résistance des monarchistes tchetniks face à l’hitlérisme.
Mais la Serbie n’est pas le seul pays à l’Ouest des Balkans où l’ultranationalisme et la xénophobie prospèrent. En Bosnie Herzégovine, les élections parlementaires et législatives du 3 octobre dernier, ont confirmé chez les Serbes comme chez les Croates de ce pays de fait administré par l’Occident, dans chacune des entités ethniques issues des accord de Dayton, la victoire des partis nationalistes et un refus de cohabiter dans une nation multiculturelle. En Février 2010 est né en Bosnie un Mouvement de la fierté nationale bosniaque d’inspiration néo-nazie a été créé. Il se réclame du souvenir de la division SS Handschar et proclame que « les Juifs, les Roms, les Tchetniks, les séparatistes croates, Tito, les communistes, les homosexuels et les Noirs » sont ses principaux ennemis. La nostalgie nazie (oustachi) est aussi répandue en Croatie. Au Kosovo les violences et harcèlements contre la minorité serbe se poursuivent, le Conseil de l’Europe dénonce régulièrement le racisme anti-rom en Albanie, et en 2006 le ministre des affaires étrangères albanais Besnik Mustafaj agitait encore la perspective de créer une grande Albanie.
Si les causes de ces résurgences sont multiples, nul doute que l’incapacité de l’Union européenne et des Etats-Unis à offrir une voie de développement et de cohabitation aux peuples des Balkans après avoir joué les pompiers pyromanes dans l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.
Plus à l’Est aussi
Aux marches orientales de l’Union européenne aussi le nationalisme et la xénophobie se portent bien. Le 27 juillet 2008, la ville de Lviv, ancienne Lemberg, capitale de la Galicie, organisait en partenariat avec la télévision locale une grande manifestation en l'honneur de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), le courant nationaliste ukrainien qui avait collaboré avec les nazis (avant de les combattre) et de la SS Galicia, une unité supplétive de la SS constituée de nazis ukrainiens ayant commis des massacres de civils, notamment en ex-Yougoslavie.« Aussi surprenant que cela puisse paraître, quand la Crimée vit tout entière dans la nostalgie de l'URSS, la Galicie, naguère polonaise et intégrée aujourd'hui à l'Ukraine, très nationaliste, est quant à elle nostalgique de son allégeance à l'occupant nazi » écrivait en des termes un peu schématiques l’essayiste et romancier Michaël Prazan, le 15 septembre 2008, dans un blog lié au journal Le Monde. Le chef de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUM) Stepan Bandera a des rues à son nom, des monuments et des musées à sa gloire dans plusieurs villes d’Ukraine occidentale.
Ce néo-nazisme galicien s’oppose à des formes d’ultra-nationalisme russe qui présentent des traits similaires en ce qui concerne le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie notamment, et sont disséminées dans plusieurs dizaines de mouvements allant du parti national bolchévique au mouvement Pamyat. Ces tendances marginalisées au cous des dernières années sur l’échiquier politique par la prédominance du parti de Poutine Russie unie continuent à entretenir des tensions dans la société à travers divers incidents relatés dans la presse.
L’orientation idéologique du Conseil de l’Europe, qui depuis des années place le nazisme sur un pied d’égalité avec le communisme, n’est pas pour rien dans la banalisation de l’ultra-nationalisme de ces pays. De même la politique offensive de George W. Bush, à peine atténuée depuis peu par Barack Obama, qui, à travers des révolutions de couleur en Ukraine et en Géorgie, recherchait systématiquement l’encerclement de la Russie, a aussi joué un rôle considérable dans le renouveau des thématiques nationales.
Parmi les nouveaux membres de l’Union européenne
Mais le fléau ultra-nationaliste, dans des versions volontiers fascisantes, revient aussi en force désormais à l’intérieur des frontières de l’Union européenne elle-même, particulièrement dans les pays autrefois alliés aux puissances de l’Axe, où le communisme n’a été imposé que de façon artificielle par l’occupation de l’Armée rouge.
Le cas topique qui a inquiété dans les années 2000 est celui de la Lettonie où des rassemblements de nostalgiques des divisions SS se tenaient annuellement sans émouvoir outre-mesure les gouvernements en place à Riga, ni non plus susciter de réactions hostiles de la part des gouvernement d’Europe occidentale. Ces rassemblements néo-nazis ont fini par susciter une certaine agitation à Londres en mars dernier lorsque les partisans de Tony Blair ont reproché au parti conservateur anglais de former un groupe commun au Parlement européen avec le parti « Pour la patrie et la liberté/LNKK » (un parti membre de la coalition gouuvernementale à Riga ouvertement associé à ce réjouissances fascisantes, qui avait recueilli près de 30 % des suffrages aux premières élections des députés lettons au Parlement européen, et qui a heureusement divisé par 4 son score en 2007). Le secrétaire d’Etat étatsunien Hilary Clinton, sous la pression d’organisations juives, avait déjà convoqué David Cameron à sujet en octobre 2009.
Dans l’ensemble cependant la polémique est restée circonscrite à la campagne électorale britannique. Les grands journaux des autres pays n’en ont guère parlé, pas plus qu’ils ne se sont émus de la marche des nationalistes à Vilnius aux cris de « La Lituanie aux Lituaniens » le 11 mars dernier, ni des exercices paramilitaires très douteux organisés chaque année en Estonie avec la bénédiction des autorités de Tallin, en l’honneur du groupe Erna qui, en 1941, livrait des informations aux nazis sur les mouvements de l’Armée rouge. Comme l’ont noté des observateurs perspicaces, on attend toujours que les autorités des pays baltes déploient le même zêle à arrêter les retraites de Waffen SS qu’elles ne l’ont fait à mettre sous les verrous des agents de l’ancien régime communiste. Aucun ancien criminel d’extrême droite n’a été arrêté dans cette région depuis la chute de l’Union soviétique.
La Lituanie reste aujourd’hui un mélange particulièrement détonnant pour l’Union européenne. Pays où vit la plus forte minorité russe (25 % de la population, et une minorité unie derrière le mouvement de gauche « Centre de l’harmonie » qui a recueilli près de 20 % aux élections européennes), il est aussi celui qui connaît un traitement de choc à la mode argentine : obligé par les financiers internationaux de s’accrocher à l’euro fort tout en réduisant drastiquement ses coûts de production pour maintenir sa compétitivité extérieure, il a subi une récession plus violente que celle des Etats-Unis en 1929. Le PNB a chuté de 24 % en deux ans (2008-2009), et le chômage (très faiblement indemnisé) a bondi à plus 20 %. La bonne recette pour cultiver le nihilisme politique.
La Hongrie, autre allié historique du Reich allemand, est aussi à l’avant-garde de la renaissance du fascisme. Le parti Jobbik, un mouvement xénophobe né dans des cercles estudiantins en 2003, qui insiste sur la préservation des identités historiques (le souvenir de l'amiral Horthy), le christianisme, la culture hongroise, la famille ou encore l'autorité, a recueilli 12 % aux dernières élections législatives d’avril 2010, soit presque autant que le parti socialiste au pouvoir jusqu’alors (et des piques à près de 30 % dans les zones à fortes densités de Rom).
L’exemple magyar est un cas intéressant où des formes fascisantes naissent sur le terreau d’un patriotisme conservateur populaire. Jobbik a grandi à l’ombre du Fidesz (Union Civique Hongroise) qui, alors que le parti socialiste hongrois (ex communiste) s’est rallié corps et âme aux politiques néo-libérales, se présente comme un rempart à la mondialisation. Ce parti depuis quelques années promet de donner des passeports hongrois à tous les ressortissants des minorités hors de son territoire (en Roumanie, en Serbie, en Slovaquie), et contribue à banaliser la diffusion de la carte de la Grande Hongrie de 1914. Le Fidesz au pouvoir depuis avril dernier avec le soutien d’une majorité écrasante, aurait pu renverser par la force le socialiste (social-libéral) Ferenc Gyurcsány dès octobre 2006. Celui-ci avait provoqué une insurrection populaire contre lui en avouant avoir menti aux Hongrois pour se faire réélire et leur avoir présenté des promesses qu’il ne tiendrait pas. Le Fidesz ayant hésité à renverser le gouvernement à ce moment-là, le Jobbik a pu se présenter comme le parti de la surenchère légitime (« le plus à droite et le plus juste » comme l’indique son nom en magyar).
Comme en Lettonie, la crise financière est pour beaucoup dans ce repli nationaliste en Hongrie : diminution de salaires de la fonction publique et des retraites, hausse des impôts, baisse du produit national brut de 7 % en 2009.
Les deux récents entrants dans l’Union européenne, la Bulgarie et la Roumanie - deux pays sous tutelle du FMI – ont aussi voté massivement pour des partis ultranationalistes, aux discours assez similaires. Au premier tour de l'élection présidentielle bulgare de 2006, la candidat du parti ultranationaliste et xénophobe Ataka (Attaque), Volen Siderov, était arrivé second, avec 21,5% des voix, derrière le président socialiste sortant Georgi Parvanov. En 2005, le parti Attaka avait réalisé des affiches montrant une carte de la Bulgarie recouverte de drapeaux turcs et israéliens, pour bien montrer qu'il considère le pays comme « occupé ». Ses militants ont aussi beaucoup exploité la phrase prêtée au président israélien Shimon Peres à l’hôtel Hilton de Tel-Aviv l0 octobre 2007 « De la part d’un petit pays comme le notre, c’est presque stupéfiant. Je vois que nous achetons Manhattan, la Hongrie, la Roumanie et la Pologne ». En Roumanie, le Parti de la Grande Roumanie (Romania Mare) est plutôt sur le déclin (il est passé sous la barre des 5 % en 2009) mais la cure d’austérité dans laquelle le pays est plongé pourrait lui profiter.
Certes certains pays, notamment ceux qui ont été jadis les plus opprimés par le nazisme comme la République tchèque ou la Pologne, échappent aux résurgences du fascisme (ce qui n’exclut cependant pas le développement en leur sein de mouvements nationaux-conservateurs). En outre la volatilité de l’électorat en Europe de l’Est peut toujours faire espérer un déclin rapide de certains partis d’extrême droite aujourd’hui portés par les conséquences de la crise financièee (le cas s’est déjà vérifié dans les années 1990). Mais ces phénomènes récents en tout état de cause traduisent un malaise, qui imprègne profondément aujourd’hui l’Europe centrale et orientale, un malaise qui signe l’incapacité des puissances occidentales, et de la technostructure bruxelloise, à proposer au continent européen des options démocratiques et pacifiques auxquelles les populations seraient en mesure d’adhérer sur le long terme.
Frédéric Delorca
Le Surinam futur poumon hydraulique et agricole du non-alignement ?
Deux initiatives du Surinam (ex-Guyane hollandaise) ont marqué l'actualité internationale des dix derniers jours dans un sens qui ne peut que déplaire à Washington.
Le 26 novembre dernier son président, Desi Bouterse, à l'occasion des 35 ans de l'indépendance du pays, accueillait à Paramaribo le président du Venezuela Hugo Chavez. Quatre accords de coopération ont été signés à cette occasion entre les deux pays, sur la base notamment d'échanges d'urée (qui est à la fois un engrais agricole et un stabilisateur d'explosifs, Caracas en a déjà offert au Nicaragua) venezuéliens, contre du riz surinamien, ainsi que des livraisons de pétrole à prix préférentiel dans le cadre de l'accord Petrocaribe. Chavez a souligné que les deux pays s'étaient trop longtemps ignorés l'un l'autre. Les Vénézuéliens vont apporter une aide au Surinam pour le développement agricole. Le Surinam est un pays peu dense de 500 000 habitants qui dispose de grandes réserves d'eau douce (sur la guerre de l'eau des multinationales en Amazonie voir cet article récent en espagnol) et de terres cultivables importantes. Selon Chavez ce pays pourrait être utile pour affronter le problème de la faim dans le monde, et fournir des ressources alimentaires pour les pauvres en échappant à la mainmise des pays du Nord. Le président vénézuélien a fait part de son souhait de faire profiter le Surinam de la coopération que son pays développe avec Cuba, la Biélorussie, et la Russie. Lui-même venait du Guyana avec lequel il entend renforcer la coopération pétrolière et agricole (le Guyana fut un pays d'orientation socialiste assez clairement pro-soviétique au milieu des années 80).
Le président Bouterse était lui aussi récemment au Guyana voisin où il s'est déclaré impressionné par l'action des médecins bénévoles cubains en ophtalmologie (300 étudiants guyanais sont formés à Cuba en ce moment).
Deuxième source de désagrément pour Washington, le 2 décembre, le ministre de la défense surinamais, Lamure Latour, a rencontré son homologue chinois, Liang Guanglie, à Pékin où il devait rester 4 jours. Déjà en 2007 la Chine avait doté le Surinam de véhicules blindés. La coopération économique entre Pékin et le Surinam quant à elle s'était déjà développée sous le mandat du président Ronald Venetiaan.
Le président surinamais Bouterse a exercé une dictature militaire au Surinam dans les années 1980 (à l'époque d'ailleurs il avait eu des relations difficiles avec Fidel Castro) mais il s'est excusé pour les crimes de sa jeunesse, et a légalement été élu dans le cadre d'élections pluralistes en mai et juillet dernier (élections législatives directes puis présidentielles indirectes) par une population jeune qui n'a pas connu le régime militaire.
Il a été condamné par contumace à 11 ans de prison en 1999 par un tribunal de l'ancienne puissance coloniale hollandaise. Les Pays-Bas (dont le premier ministre a déclaré qu'il n'accueillerait M. Bouterse que pour le mettre sous les verrous), les libéraux hollandais au Parlement européen, Reporter sans frontières, ont proné un boycott de son gouvernement et aucun chef d'Etat n'a assisté à son intronisation (ce qui n'a cependant pas empêché la France, qui a une frontière commune avec ce pays, de le féliciter pour son élection).
Le Surinam dont l'économie dépend traditionnellement de la bauxite exploitée par les Hollandais a récemment diversifié son économie, ce qui peut favoriser son non-alignement. Mais les influences impérialistes perdurent. Sur le plan économique, la moitié des importations proviennent des Etats-Unis et des Pays-bas. 10 % des recettes budgétaires proviennent de l'aide néerlandaise. Les sources de dépendance ne sont pas seulement financières. En août 2009, les Etats-Unis ont nommé comme ambassadeur à Paramaribo John R. Nay, ancien étudiant missionnaire de l'Eglise adventiste du septième jour. Au Surinam le protestantisme est le deuxième courant religieux (25 %) derrière l'hindouïsme (27 %) et le pays compte 17 congrégations adventistes, peut-être autant de relais d'action possibles pour l'administration Obama.
Frédéric Delorca
Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée : des élections favorables à la Françafrique
Les résultats des dernières élections en Afrique de l'Ouest sont plutôt de bonnes nouvelles pour l'impérialisme français dans la région, puisque les vainqueurs sont des candidats généralement présentés comme bénéficiant d'un certain soutien de Nicolas Sarkozy et des alliés traditionnels de la France en Afrique.
C'est particulièrement clair au Burkina Faso, où Blaise Compaoré, l'homme qui a renversé Thomas Sankara en 1987 avec la bienveillance de la France a remporté une parodie d'élection présidentielle du 21 novembre dernier. Seule une moitié des 7 millions d’électeurs potentiels s’était inscrite sur les listes électorales, et seulement 1,7 millions d’entre eux se sont rendus aux urnes.
Selon Survie, la France, dont l'aide économique augmente régulièrement, a accentué son contrôle du Burkina Faso au cours des dernières années. Le nouvel ambassadeur de M. Sarkozy est le général quatre étoiles Emmanuel Beth, habitué des bases africaines de l’armée française et frère du commandant des troupes d’élites du COS (Commandement des Opérations Spéciales), a été nommé à Ouagadougou cet été, juste avant un redéploiement de troupes françaises dans le pays au titre de la « lutte contre le terrorisme ». L’Union Européenne n’a pas envoyé d’observateurs. L’Observatoire Européen pour la Démocratie et le Développement (OEDD) l'a remplacée. Il s'agit d'une association, cofondée entre autres par Pierre Messmer, liée à l'UMP et au groupe Bolloré. Elle a dépêché sur place une douzaine d’observateurs, lesquels ont validé le scrutin, alors que seuls les représentants du candidat Compaoré et les forces de l’ordre étaient présentes dans les bureaux de vote visités.
M. Compaoré devait jouer un rôle de médiateur aux élections présidentielles de Côte d'Ivoire où le président sortant Laurent Gbagbo était donné perdant le 3 décembre par la commission électorale(45,9 %) face à Alassane Dramane Ouattara (54,1 %) à l'élection présidentielle.L'armée a ordonné la veillle au soir soir la fermeture des frontières du pays, sans qu'on sache précisément s'il s'agit d'une réaction des partisans du président sortant au sein de l'état major pour remettre en cause les résultats électoraux. Washington pour sa part a appelé « toutes les parties » au respect des « résultats annoncés par la Comission électorale indépendante ». « Ces résultats provisoires ont déclaré Alassane Ouattara vainqueur contre le président en exercice Laurent Gbagbo. » Laurent Gbagbo avait à tort ou à raison à Paris l'image d'un opposant au néocolonialisme et aux réseaux Françafricains. La France sarkozyste tout en ayant conscience d'avoir perdu du terrain en Côte d'Ivoire nourrirait l'espoir d'y reconstituer son influence avec Alassane Ouattara. Le Parti socialiste français n'avait pas hésité quant à lui à envoyer l'ancien ministre Jack Lang faire campagne pour Gbagbo.
En Guinée aussi c'est un ami de la France qui est élu. La Cour suprême de ce pays a confirmé, dans la nuit du 2 au 3 décembre, la victoire de l'opposant historique Alpha Condé à l'élection présidentielle avec 52,52% des voix, contre 47,48% à Cellou Dalein Diallo. M. Condé était connu pour entretenir des relations d'amitié personnelle avec M. Kouchner et Mme Alliot-Marie. En Guinée comme au Burkina le caractère démocratique des élections ne peut convaincre personne. Le taux d'inscription sur les listes électorales était faible. En outre les Peuls ont souligné avoir été empêchés de voter pour leur candidat Diallo dans les préfectures de Kouroussa et Siguiri. La proclamation des premiers résultats, qui donnaient déjà M. Alpha Condé gagnant, avaient suscité des émeutes. Les agents de la Force spéciale de sécurisation du processus électoral (Fossepel) et les unités ‘Béret rouge’ avaient tiré sur des manifestants à balles réelles dans plusieurs quartiers de Conakry pour rétablir l'ordre selon le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, faisant des dizaines de morts, et le Conseil de sécurité des Nations Unies avait appelé à une modération de la répression.
Le regain d'influence de la France dans ces trois pays est favorisé par la communauté d'intérêts qui se dessine entre les Etats-Unis et la France (après les rivalités de l'époque de George W. Bush), notamment face à la Chine, malgré quelques nuances tactiques en ce qui concerne le Sahel.
FD