La Mauritanie sous haute surveillance

Les puissances étrangères n'ont pas tardé à réagir. A Bruxelles, la Commission européenne a demandé la libération du président et du Premier ministre, comme préalable à l’organisation de nouvelles élections. L’Egypte s’est dite « consternée » par le coup d’Etat, et la Ligue arabe faisait part de son « extrême » inquiétude.La France, ex-puissance coloniale, a « réaffirmé sa totale condamnation du coup d’Etat inacceptable » et menacé la junte de « conséquences sur les relations » de ce pays avec l’Union européenne s’il n’y avait pas de « retour à la légalité constitutionnelle ». Washington a suspendu son aide non-humanitaire à la Mauritanie.
Le Conseil de Paix et de Sécurité de (CPS) de l'Union africaine pour sa part lançait un ultimatum aux nouvelles autorités de Nouakchott le 22 septembre dernier, à l'occasion d'une réunion tenue à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, leur donnant un délai jusqu'au 6 octobre prochain pour libérer le président déchu, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, et pour rétablir l'ordre constitutionnel. Le nouveau régime de Nouakchott a rejeté cet ultimatum.
L'Agence de presse chinoise Xinhua signale qu'aujourd'hui les députés favorables au putsch sont majoritaires en Mauritanie (http://www.french.xinhuanet.com/french/2008-09/29/content_730738.htm). Le Sénat mauritanien a adopté il y a le 18 septembre de jours une feuille de route pour le retour à un ordre constitutionnel normal qui se félicite des mesures prises par les forces armées et de sécurité contre le président déchu sans effusion de sang (http://actualites.marweb.com/mauritanie/politique/senat-adopte-proposition-resolution-situation-politique-pays.html).
Cependant, en Mauritanie, la crainte des sanctions internationales est à son comble. Khalil Balla Gueye, ancien premier conseiller d’ambassade à Bagdad, agitait le spectre d'un "catastrophe humanitaire" comparable à celle qu'a connu l'Irak, si les militaires ne rendent pas le pouvoir aux civils (http://www.click4mauritania.com/mauritanie-la-trame-d-un-genocide-economique.html). La Mauritanie dépend à hauteur d'un tiers de son budget de l'aide extérieure (http://www.click4mauritania.com/mauritanie-de-l-aide-au-developpement-a-l-autosuffisance.html).
Se joignant aux Occidentaux, la branche maghrébine d'Al-Qaïda, a proclamé une guerre sainte contre le nouveau régime. L'armée mauritanienne a lancé une opération de ratissage dans le nord du pays (http://www.click4mauritania.com/mauritanie-l-armee-traque-al-qaida.html).
Une des premières mesures de la junte a été de nommer un nouveau Président du Conseil d'administration de la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH) (http://www.click4mauritania.com/communique-du-conseil-des-ministres-du-25-septembre-2008.html). La Mauritanie est devenue producteur de pétrole début 2006. Un gisement de pétrole a été découvert dans l'océan Atlantique et la société australienne Woodside exploitera les champs de Chinguetti. Le gouvernement table sur une production à terme de 100 000 barils par jour. Plusieurs autres gisements (Tioff, Banda, Tevel) ont été repérés, et l'exploration continue, menée notamment par Woodside, Dana Petroleum, et Total. Par ailleurs la Mauritanie est le 13eme producteur de fer au monde. Elle fournit 12 % du fer importé par la France (http://www.sfc.fr/Donnees/metaux/fe/texfe.htm). Elle intéresse à ce titre la Chine : un contrat de vente d'environ 1,5 million de tonnes de minerai de fer par an, sur une période de 7 ans, a été signé récemment entre la Société Nationale Industrielle et Minière(SNIM) de Mauritanie et la société chinoise China Minmetals Corporation (http://www.french.xinhuanet.com/french/2008-03/24/content_602229.htm). La Russie et la Chine sont aujourd'hui les 2ème et 3ème partenaires commerciaux de la Mauritanie pour les importations derrière la France (http://www.economie.gov.mr/NR/rdonlyres/EB41D705-A5D6-4859-9803-20B14F28CFF4/0/note_trimestrielle_commerce_exterieur_12008.pdf).
FD
Chavez à Pékin et à Moscou
Le 27 septembre, Chavez était à Moscou. A l'issue de sa visite, il a annoncé la création d'un consortium entre les compagnies pétrolières Gazprom (entourée d'autres compagnies russes) et PDVSA qui opèrera non seulement au Venezuela (elle pourrait exploiter une partie des gisements de Carabobo également promis à la brésilienne et Pétrobras et l'indienne ONGC) mais aussi dans les pays d'Amérique latine favorables à la Russie comme Cuba et la Bolivie. Le premier ministre russe M. Poutine a affiché son intention de collaborer avec le Venezuela dans le domaine de l'énergie nucléaire civile. La création d'une banque russo-vénézuélienne est aussi prévue.
Le président russe Dmitry Medvedev a multiplié les signes d'amitié à l'intention de Chavez, le remerciant pour son soutien actif à la Russie face à la Géorgie, et pour avoir autorisé des bombardiers stratégiques russes Tu-160 à se poser à Caracas le 10 septembre dernier. La Russie allouera au Venezuela un crédit de 1 milliard de dollars pour la coopération militaire et technique.
Les échanges commerciaux entre Moscou et Caracas ont dépassé 1,1 milliard de dollars en 2007, coopération militaire et technique comprise (http://fr.rian.ru/world/20080926/117118554.html). Entre Caracas et Pékin ils sont de l'ordre de 8 milliards, alors qu'ils étaient presque nuls il y a dix ans (à titre de comparaison le montant total des exportations vénézéliennes tourne autour de 20 milliards de dollars).
Toutefois, le magazine Kommersant cette semaine exprimait quelque crainte des milieux d'affaire russes que ces accords puissent être remis en cause par une éventuelle victoire de l'opposition vénézuélienne aux élections de novembre (http://www.kommersant.com/p1032593/Russia_and_Venezuela_negotiating_big_deals/).
La visite de Chavez à Moscou intervient alors que les réactions russo-américaines se sont tendues après la guerre provoquée par M. Saakachvili dans le Caucase (M. Medvedev a déclaré le 12 septembre que "les Russes ont perdu les dernières illusions sur un ordre mondial juste") et que le Vénézuéla a expulsé l'ambassadeur des Etats-Unis à Caracas en solidarité avec la Bolivie (où l'ambassadeur américain, lui aussi expulsé, complotait avec les préfets sécessionnistes).
FD
Venezuela-Europe-Afrique


A l'occasion de cette visite Hugo Chavez a souligné que l'Afrique était la "mère de l'Amérique du Sud" (http://www.int.iol.co.za/index.php?set_id=1&click_id=3045&art_id=vn20080905054951341C271072), et exigé des excuses des Occidentaux pour les génocides commis sur ce continent (http://www.romandie.com/infos/news2/080902151919.94xqd3wd.asp). A l'heure où le candidat républicain à la présidence des Etats-Unis McCain et sa colistière martèlent qu'ils ne veulent plus que les Etats-Unis soient dépendants du pétrole vénézuélien (http://www.aporrea.org/venezuelaexterior/n120047.html), le partenariat stratégique avec l'Afrique du Sud implique que la société sud-africaine PetroSA obtiendra des concessions dans la vallée de l'Orénoque. Il n'est pas encore clair cependant que le pétrole sera livré à l'Afrique du Sud à prix réduit, mais la livraison d'Etat à Etat devrait au moins réduire le coût des intermédiaires. En outre, selon la presse sud-africaine, des obstacles techniques demeurent : le pétrole vénézuélien est lourd, alors que les raffineries sud-africaines sont étudiées pour raffiner du brut léger comme le pétrole iranien.
Chavez au banquet présidentiel offert par M. Mbeki a aussi évoqué la création d'une Banque du Sud pour remplacer le FMi et la banque mondiale, et à laquelle les directeurs de banques centrales des pays membres reconnaîtraient toute autorité ce qui déjà fait grincer des dents la presse de droite comme le Pretoria News (http://www.int.iol.co.za/index.php?set_id=1&click_id=3045&art_id=vn20080905054951341C271072). Néanmoins non seulement l'ANC (parti au pouvoir) et le Parti communiste, mais aussi le parti d'opposition Mouvement démocratique uni (UDM) se sont réjouis de la signature de l'accord pétrolier (http://www.int.iol.co.za/index.php?set_id=1&click_id=3045&art_id=nw20080903104816566C757423).
La diplomatie du pétrole vénézuélien touche aussi la France, puisque Jean-Paul Legrand, maire adjoint de Creil, publie cette semaine dans l'Humanité Dimanche une lettre incitant les élus municipaux à négocier avec le Vénézuéla l'achat de pétrole à prix réduit pouvant bénéficier aux plus pauvres. Le cercle bolivarien de Paris s'est déjà fait l'écho de son activisme dans ce sens (http://cbparis.over-blog.com/article-21971944.html). Cet élu raconte son voyage à Caracas sur son blog : http://www.creil-avenir.com/article-22170233.html. Pour mémoire on peut rappeler que l'ancien maire travailliste de Londres avant de perdre les dernières élections avait signé avec les autorités vénézuéliennes un accord de livraison de pétrole à bas prix pour les transports en commun londoniens (http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=71109).
FD
Prises de position après la guerre d'Ossétie du Sud
Le vice-président américain néo-conservateur Dick Cheney, un des pères spirituels du projet "Grand Proche Orient", de Guantanamo et de la guerre en Irak, a commencé par l'Azerbaïdjan un voyage d'une semaine, qui l'a conduit ensuite en Géorgie, en Ukraine. Au menu des discussions à Bakou figurait la "sécurité des couloirs énergétiques pour les livraisons" de gaz et de pétrole de la Caspienne vers l'Occident. Il s'agissait notamment pour Washington de défendre la mise en oeuvre du projet Nabucco, en particulier du secteur qui doit passer par le territoire de l'Azerbaïdjan et de la Géorgie. Le vice-président des Etats-Unis avait dirigé jusqu'en 2000 la compagnie pétrolière américaine Halliburton,est susceptible dans cette entreprise à la fin du mandat de George W. Bush et préparait peut-être par la même occasion son avenir personnel.
L'avenir du GUAM (une association d'Etats qui regroupe la Géorgie, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et la Moldavie contre la Russie) était aussi un sujet important de la visite (http://fr.rian.ru/world/20080904/116541823.html). Le conflit géorgien a fait apparaître de sérieuses nuances entre les membres de ce groupe, l'Azerbaïdjan ayant fait preuve de neutralité tandis que la Moldavie manifestait un soutien à Moscou (http://delorca.over-blog.com/article-22255225.html). D'autant que l'évolution de l'Ukraine est loin d'être univoque. Alors qu'on s'attendait à ce que la visite de Cheney à Kiev, le 5 septembre, après Bakou et Tbilissi, marque encore un point dans la pression exercée contre la Russie, le vice-présenté est tombé au milieu d'une crise politique entre le Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko et le président Viktor Iouchtchenko, la première étant semble-t-il sur le point de se rapprocher du "Parti des régions" (hostile à l'OTAN). Les atlantistes déploient un activisme offensif en Ukraine en ce moment tandis que beaucoup de navires militaires de l'OTAN patrouillent en Mer Noire. Le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères britannique David Miliband en visite à Kiev le 27 août 2008 appelait à créer « la plus large coalition possible contre l’agression russe ». L'Ukraine a annoncé son intention d'augmenter le montant du bail de la base navale de Sébastopol, mise à la disposition de la flotte russe de la mer Noire. Tony Barber dans le Financial Times du 25 août pronostiquait que l'Ukraine serait le prochain point de crise avec la Russie (http://blogs.ft.com/brusselsblog/2008/08/wanted-a-plan-for-ukraine/).
Jetant toujours de l'eau sur le feu, Cheney à Tbilissi s'est engagé à ce que les Etats-unis versent un milliard de dollars au régime de Saakachvili - soit exactement le montant de son budget de défense, et a appelé le "monde libre" à soutenir ce gouvernement.
Moscou, de son côté, placée sur la défensive tandis qu'à Avignon les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne décidaient de geler le projet d'accord de partenariat renforcé avec elle (une mesure plus modérée que ce qu'espéraient les atlantistes), obtient des cautions de ses voisins. Déjà l'Organisation de coopération de Shanghaï, le 28 août (http://www.sectsco.org/news_detail.asp?id=2341&LanguageID=2) avait apporté un soutien diplomatique "au rôle actif de la Russie en aidant à la paix et à la coopération dans cette région" (sans toutefois s'engager à reconnaître les républiques sécessionnistes du Caucase). L'Organisation du Traité de sécurité collective (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tadjikistan et Ouzbekistan) réunie à Moscou le 6 septembre a condamné l'agression géorgienne (http://www.russiatoday.com/news/news/29953 et http://www.russiatoday.com/news/news/29996/video).
Par ailleurs cette semaine le président nicaraguayen Daniel Ortega, à l'occasion du 29ème anniversaire de l'Armée nationale, a annoncé qu'il reconnaissait l'indépendance des Républiques séparatistes géorgiennes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. Son pays est ainsi le premier à emboîter le pas à l'initiative prise dans le même sens par Moscou le 26 août (http://actu.voila.fr/Article/mmd--francais--journal_internet--une/Nicaragua-le-president-Ortega-reconnait-l-Ossetie-du-Sud-et-l-Abkhazie.html).
FD