Alors que la Crimée (rattachée à l'Ukraine en 1954) et où vit une majorité de Russes, menace de faire sécession le 16 mars par référendum face au nouveau pouvoir putschiste de Kiev lié à l'extrême droite qui a menace de lancer un processus d'adhésion à l'OTAN, la Turquie se pose en défenseur des 15 % de Tatars musulmans qui vivent dans la péninsule.
"Ne laissez pas dans vos esprit l'idée que notre président et notre premier ministre seront indifférents à ce qui arrive aux gens de notre famille en Crimée ou ailleurs dans le monde" ("Don't let it cross your mind that our prime minister and president will be indifferent to any issue affecting our people of kin in Crimea and anywhere in the world") a déclaré le 3 mars le ministre des affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu devant des responsables d'associations tatares dont qui avaient organisé des manifestations en Turquie la veille. "Ce qui se passe en Turquie aujourd'hui nous terrifie tous" a déclaré sur la CNN turque Zafer Karatay, représentant du Parlement national tatar.
Attaqué sur des affaires de corruption et d'écoutes illégales, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan (qui a récemment resserré les liens économiques avec l'Ukraine) pourrait se sentir obligé de continuer à tenir un discours de fermeté sur la question de la Crimée. Le 6 mars 2014 , dans une conférence de presse à Simferopol (Crimée) le leader tatar Mustafa Jemiliyev a déclaré que M. Erdogan lui a assuré que la Turquie serait "immédiatement impliquée" si les Tatars étaient menacés par les Russes. Pourtant le premier ministre turc, dont le pays dépend en partie sur le plan énergétique des approvisionnements en gaz russe, garde de bonnes relations avec Vladimir Poutine. Jusqu'à quand ?
La Turquie n'est pas le seul pays de culture turque susceptible de s'ingérer dans la crise de Crimée. Aujourd'hui deux responsables azerbaïdjanais du parti d'opposition panturquiste Musavat (Egalité, 1,8 % aux élections législatives de 2010) Gulaga Aslanli et Arif Hajil ont été interceptés au niveau du Daghestan russe alors qu'ils se rendaient en train en Crimée, et reconduits de force dans leur pays d'origine. Les autorités russes et azerbaïdjanaises s'abstiennent de tout commentaire (Kavkaz knot).
Les régions de Russie aussi bien orthodoxes que musulmanes mobilisent quant à elles de l'aide humanitaire pour la Crimée sécessionniste. Le 6 mars par exemple, un convoi humanitaire de 80 tonnes est parti de Makhachkala (Daghestan russe, dans le Caucase, musulman) pour la Crimée. Le président du gouvernement du Daghestan Abdusamad Hamidov, dans son discours au moment du départ du convoi, a rendu hommage à Magomed-Zagid Abdulmanap, soldat soviétique arrêté pendant la seconde guerre mondiale après avoir participé à la défense de Simferopol. Après que les nazis aient découvert qu'il était d'origine tatare et aient proposé de le libérer, celui-ci préféra mourir avec ses camarades russes, a rappelé Hamidov, montrant ainsi que les pouvoirs officiels des régions russes musulmanes restent sur une ligne soviétique traditionnelle d'exaltation de la solidarité trans-ethnique contre le fascisme.