La situation du Venezuela depuis quinze jours se caractérise par une inquiétante montée de la tension. Maurice Lemoine dans Mémoire des luttes en rappelle les étapes :
- 6 février dans l’Etat de Táchira, au terme d’une manifestation théoriquement convoquée pour protester « contre l’insécurité », un groupe de quelque 80 étudiants cagoulés attaque la résidence du gouverneur et blesent des policiers. Dans les jours qui suivent, réclamant la libération des personnes arrêtées lors de ces désordres, d’autres manifestations se déroulent dans l’Etat de Mérida, débouchant à leur tour sur des actes de violence et de nouvelles détentions.
- 12 février : manifestation à Caracasavec de violentes échauffourées qui font trois morts par armes à feu et plus de 60 blessés.
- 15 février - Les affrontements entre « étudiants » et forces de l’ordre reprennent de plus belle le 15 février, près du Parque del Este, dans la capitale, où la journée de « protestation civique » se termine par de multiples dégradations et la mise à sac, par des groupes de choc, de stations de métro
- 16 février - Sur la place Altamira – bastion emblématique de l’opposition depuis la tentative de coup d’Etat d’avril 2002 contre Hugo Chávez – et devant les locaux de la chaîne nationale Venezolana de Televisión les contestataires établissent leurs quartiers, avec, en corollaire, pour leur répondre, un classique déluge d’armes non létales – gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc.
"Leopoldo López, coordinateur national du parti Volonté populaire et ex-maire de Chacao (un quartier chic de Caracas), la députée María Corina Machado, très appréciée dans les secteurs les plus radicaux, ainsi que le maire « social-démocrate » du grand Caracas, Antonio Ledezma, les dirigeants de l’opposition appellent au soulèvement contre le régime « autoritaire », « corrompu » et « incompétent » du président Nicolas Maduro." explique Maurice Lemoine, qui met l'accent sur les tentatives de déstabilisation économique depuis novembre dans la même logique que la préparation du coup d'Etat du Chili en 1973.
Dans l’analyse du phénomène, beaucoup en sont restés là, pointant du doigt la responsabilité ou l’incompétence des cercles dirigeants au sein desquels, de fait, se déroule un débat – ouverture, poursuite de la même politique, radicalisation ? – sur les mesures à prendre pour mettre un terme à ces distorsions [3]. Mais bien peu ont mis l’accent sur la partie immergée de l’iceberg : comme au Chili, au cours des mois qui ont précédé le renversement et la mort de Salvador Allende, c’est bel et bien une entreprise de déstabilisation économique qui fait tanguer le Venezuela.
A la suite de la dispersion "musclée" de manifestants le mercredi 19 février, le président américain Barack Obama a condamné la violence au Venezuela et appelé Caracas à libérer les manifestants arrêtés. Le gouvernement venezuélien a dû aujourd'hui menacer de bloquer de la diffusion de CNN accusée de montrer au monde l'image d'un Venezuela "au bord de la guerre civile". La semaine dernière, le gouvernement vénézuélien a fait retirer des canaux la chaîne d'information colombienne NTN24 qui agitait le spectre d'un nouveau coup d'Etat.