Le 21 septembre dernier, la Corporation du développement national (NDC) tanzanienne et la compagnie chinoise Sichuan Hongda ont signé un accord pour la création d'une entreprise nouvelle, la Tanzania China International Mineral Resources Limited pour l'exploitation d'une mine de charbon, d'une mine de fer, et la construction d'une acierie (production prévue 1 million de tonnes d'acier par an) et d'une centrale électrique à Liganga et Mchuhuma, pour un montant d'investissement de 3 milliards de dollars. Cet accord avec les Chinois est offciiellement placé dans le sillage des bonnes relations qu'entretenait autrefois la Tanzanie socialiste avec la Chine de Mao Zedong (l'accord avec la firme russe Borodino l'an dernier qui peut aussi être mise au compte de la tradition "non-alignée" de ce pays).
En apparence c'est une bonne nouvelle pour la Tanzanie qui pourrait ainsi créer 8 000 emplois... Dans les faits des doutes subsistent : il n'est fait aucune mention des impôts que paiera cette nouvelle société, ni des garanties du fait que les parts détenues par la compagnie d'Etat tanzanienne (fixées à 20 % pour l'instant) augmenteront avec le temps. En d'autres termes : ce nouveau complexe a-t-il pour unique objectif de profiter aux besoins de la consommation chinoise ou des bénéfices équilibrés sont-ils à attendre pour la Tanzanie ?
Ces questions ne sont pas purement théoriques. Dans Counterpunch, le journaliste Robert Gordon rappelle qu'en ce qui concerne les mines d'or, la valeur du métal précieux ne cesse d'augmenter, mais que cela ne profite qu'aux sociétés britanniques, australiennes et sud-africaines qui l'exploitent. Les recettes fiscales pour le gouvernement, elles, stagnent depuis 5 ans - ce qui rappelle les problèmes rencontrés avec son cuivre par la Zambie qui vient de changer de président de la République. Gordon explique aussi le bras de fer qui a opposé BP Tanzanie à l'Etat sur la question de la réduction du prix de l'essence. Après que le gouvernement ait abaissé le prix, BP a décidé de ne plus livrer de carburants. L'instance publique de régulation (Energy and Water Utilities Authority) a alors menacé de retirer à BP sa licence d'exploitation qui a finalement renoncé à sa plainte en justice contre le décret de tarification et s'est excusée (non sans avoir revendu ses actifs à la société Puma filiale de Trafigura). Le journaliste note que jamais le gouvernement n'aurait pu retirer sa licence à un opérateur comme BP qui détenait près de 12 % des parts du marché. Les mêmes problèmes peuvent se poser avec les grandes entreprises chinoises qu'avec les sociétés occidentales comme on l'a vu au Zimbabwe où la question des retombées fiscales fut une source de tension (parmi d'autres) entre Harare et Pékin l'an dernier (selon des fuites de Wikileaks).
La latitude d'action de la Tanzanie est d'autant plus réduite qu'elle a absolument besoin de capitaux extérieurs pour son développement et doit donc se montrer attractive. Avec la crise économique d'importants projets occidentaux ont été annulés : un projet américain d'investissement de 3,5 milliards de dollars dans de la fonte d'aluminium à Kabanga, et un projet suisse de 165 millions de dollars pour une mine de nickel. Les puissances occidentales ne perdent cependant pas leur enthousiasme : l'ambassadeur américain Alfonso E. Lenhardt qui organisait la visite de hauts responsables de General Electric dans le pays a déclaré : « L'Afrique offre la prochaine frontière de la croissance et la Tanzanie est bien située parmi nos partenaires. » La justice sociale et la redistribution de la plus-value n'ont guère de place dans ce genre de discours.
FD