Trente-huit personnes, en plus de deux femmes kamikazes, ont été tuées dans le double attentat suicide commis lundi 29 mars dans la matinée dans le métro de Moscou. Par ailleurs douze personnes, dont neuf policiers, ont été tuées dans deux attentats-suicide mercredi à Kizlyar, près de la frontière avec la Tchétchénie le1er avril.
L'attentat a été revendiqué par Doukka Oumarov, "Emir du Nord Caucase", ancien président de l'Ichkérie qui revendique avoir des bases de l'Abkhazie jusqu'en Azerbaïdjan, une zone de première importance pour les routes du pétrole. La guérilla reste active dans les zones musulmanes du Caucase russe. En juin et en septembre dernier le président tchétchène Ramzan Kadyrov a accusé la CIA et la MI6 d'être présents aux côtés des rebelles islamistes. Par ailleurs l'American Committee for Peace in Chechnya est souvent désigné comme un organe de propagande américaine anti-russe tourné vers la Tchétchénie.
Dans cette région, outre l'activisme religieux au Daghestan et en Tchétchénie, le nationalisme circassien est aussi encouragé par des lobbys occidentaux. Comme le note Frédéric Delorca dans son dernier livre, "Abkhazie, A la découverte d'une "République" de survivants" (Ed. du Cygne 2010), un travail de promotion du nationalisme circassien (dans le Nord Ouest du Caucase) se développe dans la perspective des jeux olympiques de Sotchi de 2014, qui rappelle l'insurrection des moines tibétains à la veille des jeux olympiques de Pékin : "Sotchi était le port de départ de milliers de Circassiens déportés vers la Turquie. 2014 marquera la 150ème anniversaire de la victoire russe contre eux. Des voix s’élèvent au Caucase Nord, comme celle de l’Association circassienne internationale basée en république kabardino-balkarienne, et dans la diaspora des peuples déportés, pour que des symboles circassiens figurent dans ces jeux au même titre que les jeux de Vancouvert au Canada ont accordé une place aux Indiens victimes de génocide, ou ceux de Melbourne aux Aborigènes d’Australie . A défaut de pouvoir satisfaire les revendications circassiennes, les jeux de Sotchi pourraient être compris comme une provocation par les peuples du Nord-Ouest du Caucase et enflammer le ressentiment anti-russe. Des analystes russes début 2010 pointaient du doigt la décision récente de l’administration Obama d’augmenter les effectifs de USAID, l’agence des basses œuvres interventionnistes étatsuniennes, et accusait les associations adyguiennes comme Adyghe-Khasa, le Congrès circassien ou l’Association circassienne internationale qui réclament la reconnaissance du « génocide » de leur peuple d’appliquer en fait le programme de thinks tanks américains comme Rand Corp. et la Jamestown Foundation. Selon ces analystes cette activité qui joue sur des cordes tantôt ethniques tantôt religieuses contribue à la dé-russification rampante du Nord-Caucase . On peut d’ailleurs noter que la Fondation Carnegie à travers le Program on New Approaches to Research and Security in Eurasia (PONARS) finance publiquement des recherches très orientées vers le soutien aux revendications circassiennes."
Face à cette conjonction entre islamisme et nationalisme sur fond de fort taux de chômage, le Kremlin depuis quelques mois mise sur la répression. En février, le président russe Medvedev a nommé un « consul du Caucase », représentant du président de Russie, et vice-premier ministre, Alexandre Khloponine, 44 ans, ancien directeur de combinat, qui a déjà mis de l’ordre dans la région de Krasnoïarks en Sibérie en y intégrant les territoires d’Evenk et Taïmyr. A cette occasion une grande région a été créée englobant le territoire de Stavropol et les Républiques autonomes de Karatchaevo-Tcherkessie, Kabardino-Balkarie, Ossétie du Nord, Ingouchie, Tchétchénie et du Daghestan, toutes ces entités pouvant à terme être absorbée par le territoire de Stavropol. Cette mesure, qui s'ajoute aux actions militaires et policières, passe pour un acte de méfiance à l'égard des autorités locales caucasiennes, et a été notamment critiquée par le président de l'Ingouchie.
La spirale de la répression et du terrorisme pourrait, si elle se developpe, compromettre le retour récent de la Russie sur la scène internationale.