Le Nigeria, l’un des plus importants producteurs de pétrole en Afrique a annoncé lundi dernier avoir rajouté le yuan chinois à ses monnaies de réserves à côté du dollar américain, l’euro, ou la livre sterling pour près d'un dixième de ses réserves de change. Les commentateurs y voient un effet de la baisse historique de la note du crédit américain.
La Banque du Peuple (banque centrale) de Chine a déjà signé des accords de change pour libeller les échanges commerciaux en yuan avec divers pays, dont le Brésil, la Corée du Sud, Singapour, la Malaisie, l'Indonésie, le Belarus, l'Argentine et l'Islande. Et lors d'une réunion d'avril 2011, les dirigeants du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont accepté d'encourager l'utilisation de leurs propres devises dans les règlements commerciaux entre ces pays.La Chine par ailleurs envisage de développer à l'étranger des marchés en yuan à l'étranger pour permettre aux entreprises d'échanger leurs devises contre cette monnaie.
Pour autant la question de savoir si le yuan peut devenir une monnaie internationale de réserve fait débat en Chine et ailleurs. Pour des raisons historiques, le yuan n'était toujours pas convertible jusqu'à très récemment pour les investissements ou les comptes de capitaux (mais al Chine vient d'annoncer sa "pleine convertibilité" pour 2015), par ailleurs la monnaie est maintenue à des parités fixes et les valeurs et les marchés financiers de la Chine ne sont pas suffisamment importants ni assez sophistiqués pour faire face à ce rôle du yuan. Il ne pourrait devenir une monnaie de réserve que si la Chine acceptait de faire du déficit commercial, ce qui n'est pas le cas pour l'heure (cf Le Quotidien du peuple).
Jusqu'à récemment au niveau mondial le dollar représentait près des deux tiers des réserves de devises mondiales ( 62% des réserves en taux de change en 2009) et l'euro un gros quart (27% en 2009). Vers 2016 la Chine (avec son taux de croissance à deux chiffres) pourrait devenir la première puissance économique mondiale avec un PIB qui dépasserait celui des Etats-Unis.Les Etats-Unis affichaient, début mai, des réserves monétaires pour un montant de seulement 143 milliards de dollars et la Chine pour 3 047 milliards. Selon Moneyweek.fr, "le seul poste où les Etats-Unis devancent encore la Chine est celui des stocks d’or officiellement détenus par les banques centrales soit, pour les Etats-Unis 8 133 tonnes, et pour la Chine 1 054 tonnes (qui devrait être « normalement » pour ce pays plutôt d’environ 10 000 tonnes)". Alors que la dévaluation progressive du dollar altère sérieusement la valeur des obligations détenues par les créditeurs. C'est donc le système financier mondial qui pourrait trouver un intérêt au remplacement au moins partiel du dollar par le yuan.
Le vice-premier ministre et ministre russe des Finances Alexeï Koudrine en mai 2010 pronostiquait que la monnaie chinoise serait une monnaie de réserve internationale dans dix ans. Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, avait fait une prévision assez voisine en novembre 2009. Si elle se vérifie, le coût pour les Occidentaux pourrait accentuer encore leur déclin économique. Selon l'économiste newyorkais ancien conseiller de Bill Clinton, Nouriel Roubini, elle se traduira par un renchérissement du coût des emprunts pour les Etats-Unis et du coût des matières premières importées, ce qui pouvait se répercuter lourdement sur la consommation et la croissance. Il en concluait en 2009 dans le New York Times qu'il était temps pour Washington de "changer [ses] priorités", d’investir dans une infrastructure "en ruine, dans les énergies alternatives et renouvelables et le capital humain productif - plutôt que dans des logements inutiles et des inventions financières toxiques". Une sorte de course contre la montre semble engagée aux Etats-Unis pour sauvegarder leur hégémonie monétaire.
FD